Alcatel Lucent, les syndicats remportent un premier bras de fer

le 27/04/2007, par Olivier Coredo , Régulation télécoms, 722 mots

Le feuilleton de la restructuration d'Alcatel Lucent est tellement mouvementé, qu'au final, il est difficile de faire précisément le point sur l'avancée des négociations. Hervé Lassalle, délégué national CFDT chez Alcatel Lucent, nous dresse un état des pourparlers.

Alcatel Lucent, les syndicats remportent un premier bras de fer

R&T : Où en êtes-vous des négociations avec la Direction ? Hervé Lassalle : Un point est totalement bloqué, c'est le nombre total de licenciements en France. La Direction est inflexible sur les 1500 suppressions de postes. Certains sites sont particulièrement touchés : Orvault-Rennes avec 218 personnes soit 25% des effectifs, Lannion avec 217 soit 20% des effectifs, 732 en Région Parisienne et 100 à Ormes. En deux mois de mobilisation, nous avons exercé différents moyens de pression. Nous attendons du reste pour cet après-midi le jugement en référé du TGI de Paris sur une action que nous avons menée. (voir ci-dessous le jugement du TGI qui condamne Alcatel Lucent). En effet, suite au comité de groupe Européen , nous avons poursuivi la direction pour insuffisance d'éléments et d'argumentations concernant les 1500 suppressions d'emplois en Europe. En fonction du jugement prononcé, soit un nouveau comité Européen sera réuni, soit une procédure nationale sera déclenchée au niveau des comités centraux d'entreprises (CCE). R&T : La Direction a t-elle tout de même lâché du lest ? H.L. : Il y a une quinzaine de jours, la Direction a proposé de sortir de l'impasse en provocant des discussions entre les représentants syndicaux Français et les patrons des grandes divisions : convergence, wireless et wireline. Nous avons débuté nos entrevues le 17 avril avec le patron national de la division convergence, Marc Rouanne. Il a commencé par nous dire qu'il ne reviendrait pas sur le sureffectif global de 500 personnes de son Business Group. Cependant, il est revenu sur la fermeture d'un des deux sites Rennais et a annoncé vouloir conserver 70 postes sur Rennes sur ce site. Cette annonce a troublé le site d'Orvault, intimement lié à Rennes. S'il conserve 70 emplois mais ne revient pas sur les 218 , c'est une avancée pour Rennes et un recul pour Orvault. C'est une histoire de vases communicants ! Cette décision est très politique. Il est important pour le groupe de conserver une présence à Rennes dans le cadre du pôle de compétitivité « images et réseaux » initié par le gouvernement. Marc Rouanne a d'autre part annoncé qu'Orvault allait être le site dédié aux gateways IP, une sorte de labellisation mondiale. Lannion bénéficierait d'une activité R&I (Recherche et innovation) en lien avec le pôle de compétitivité Breton et serait le pole de compétence mondial sur plateforme ATCA. Ce sont des annonces positives mais qui ne remettent en rien en cause le surreffectif sur ces sites et pour lesquelles nous ne connaissons pas réellement le volume d'activité en découlant. Même s'il y a une réalité d'action, cela paraît être principalement de la communication. R&T : C'est un dialogue de sourds ! H.L. : Nous ne sommes pas sourds. Nous admettons qu'il puisse y avoir des doublons issus de la fusion. Mais nous sommes persuadés que l'entreprise continue de délocaliser certaines activités de R&D ou de métiers proches du client (supports aux offres, ventes, installations, après vente, supply chain ...) dans des pays à bas coûts pour réduire ses coûts. Nous tentons de geler les délocalisations, nous nous battons sur ce sujet. La direction ne communique pas assez précisément sur la localisation des effectifs dans le monde , et nous pensons que les chiffres,en particulier sur l'outsourcing (externalisation) ne sont pas visibles. Nous ne disposons pas de relais syndicaux dans ces pays. Arrêtons de délocaliser des pans d'activités en Inde ou en Chine quand on supprime des emplois chez nous ! R&T : Quels sont vos moyens de pression ? H.L. : Nos avons décidé de ne pas assister aux réunions avec la Direction tant qu'ils nous ne donnerons pas de réponses claires sur les délocalisations. La Mobilisation continue. Une action nationale est possible le 1er juin, jour de l'assemblée générale des actionnaires. Cela dépendra des avancées des négociations. Nous poursuivons d'autre part nos moyens de pression via le gouvernement. Une rencontre est également prévue avec la Commission Européenne. R&T : Dans ce contexte difficile, comment a été perçu le Golden Parachute de Serge Tchuruk, ex-PDG du groupe ? C'est une cerise sur un gâteau bien amer. Les salariés sont dégoûtés et scandalisés sur ces pratiques. Nous venons d'avoir nos négociations salariales. Elles oscillent entre 1 et 2%, rien à voir avec le Golden Parachute de Serge Tchuruk !

Le Tribunal de Grande Instance de Paris condamne Alcatel Lucent

Peu après la publication de l'interview, nous avons eu l'ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, dans l'affaire opposant l'ECID (Alcatel European Committee for Information and Dialogue), le CCE (Comité Central d'Entreprise) Alcatel Lucent France, le CCE Alcatel Business Systems et le CE Compagnie financière Alcatel Lucent, d'une part, à la société ALCATEL-LUCENT, d'autre part.
Le juge estime « qu'il existe là un trouble manifestement illicite » et donne raison au comité européen. Il condamne Alcatel Lucent à fournir en langues anglaises et françaises :
- l'exposé précis et chiffré des motifs de transfert ou de regroupements d'activités,
- l'exposé précis et chiffré de la méthode et des élements de calcul des excédents d'effectifs allégués,
- le nombre des emplois dont la suppression est envisagée, dans chaque division et chaque pays, par catégories de travailleurs,
- la justification précise et chiffrée de cette répartition,
- le calendrier prévisionnel des suppressions d'emplois envisagées.

Le Comité Européen ne pourra être réuni que 15j ouvrés après la fourniture de ces informations.

Alcatel-Lucent doit de plus verser 5 000 euros à l'ECID.

Pour en savoir plus...
Interview : «Alcatel-Lucent ampute le coeur de la R&D»
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