L'Arcep : « Tout opérateur qui voudra fibrer un immeuble devra signer une convention avec la copropriété »

le 11/07/2008, par Florence Puybareau, Régulation télécoms, 1472 mots

Les sujets chauds se multiplient pour l'Arcep, le régulateur des télécoms : Numéricâble, la fibre optique, le Wimax, la 4éme licence mobile, le dividende numérique. Gabrielle Gauthey, membre du collège de l'Arcep répond aux questions de Réseaux et Télécoms.

L'Arcep  : « Tout opérateur qui voudra fibrer un immeuble devra signer une convention avec la copropriété »

Réseaux et télécoms : La semaine dernière, Patrick Drahi, actionnaire de Numéricâble a défendu dans la Tribune, le déploiement de son réseau de fibre optique dans les immeubles, ce qui va à l'encontre des préconisations de l'Arcep. Gabrielle Gauthey : Il est essentiel d'instaurer un climat de confiance entre les copropriétés et les opérateurs. « Fibrer » un immeuble nécessite une intervention parfois lourde dans les parties communes, ce qui ne peut se faire, dans notre pays, sans autorisation du propriétaire ou de la copropriété, sans violer le droit de propriété privée. Il revient à la copropriété de choisir le ou les opérateurs à qui elle confiera cette mission. Une fois ce choix fait, il est nécessaire d'établir une convention qui précisera les modalités d'installation, d'entretien et de remplacement du réseau, ainsi que les conditions d'accès aux parties communes. Cela vaut pour l'ensemble des opérateurs. Cette convention-type, qui est réclamée par les copropriétés, vient de faire l'objet d'une consultation publique par l'ARCEP. Le principe de mutualisation inscrit dans le projet de loi en cours d'examen rend nécessaire la signature d'une seconde convention, entre l'opérateur qui a fibré l'immeuble et tout opérateur qui souhaitera utiliser son réseau pour fournir des services. Réseaux et télécoms : Quel est le rôle des collectivités locales dans le déploiement de la fibre ? Gabrielle Gauthey : Les collectivités locales ont déjà eu une action déterminante dans l'établissement de réseaux de collecte qui sont le socle fondateur de tout projet d'aménagement numérique territorial. L'ARCEP réalise une première évaluation de l'impact de ces initiatives et nous constatons d'ores et déjà leurs effets bénéfiques à plusieurs titres : l'extension du dégroupage et donc d'offres plus riches comme le triple-play (37 % des répartiteurs sont dégroupables grâce aux réseaux des collectivités locales), l'équipement des zones d'activités et donc des tarifs plus compétitifs pour les PME avec des offres émanant d'opérateurs privés locaux, une couverture moins onéreuse des zones blanches grâce à la péréquation permise par le réseau. Grâce au réseau de collecte, la couverture des zones blanches de la Manche a coûté près de 2,5 fois moins cher (4 millions au lieu de 10 millions) qu'un projet moyen de département ayant pour seul but de couvrir des zones blanches sans réseau fédérateur départemental. Cet exemple est une réponse tangible aux critiques que l'on entend souvent contre ces initiatives au motif qu'elles risquent de dupliquer le réseau de France Télécom et de gaspiller l'argent public. Certes, France Télécom a récemment développé une offre de fibre noire (dite LFO) qui se révèle être un utile sous ensemble de ces réseaux de collecte. Mais elle n'est pas disponible partout, son architecture est propre à France Telecom et elle ne recoupe qu'en très faible partie les réseaux de collecte, qui irriguent les territoires beaucoup plus en profondeur. On est donc loin de la duplication de réseau ! Quant à l'argument du coût pour la collectivité, il n'est pas vraiment recevable. En moyenne, le déploiement d'un réseau, représente pour un département 33 millions d'euros sur 15 ans, la moitié étant financée par le public et l'autre par le privé. Ce qui signifie que 10 à 15 millions d'euros sont payés par la collectivité. Souvent, la collectivité va en récupérer une bonne partie (la moitié ou plus), grâce à une redevance issue de la location de sa fibre auprès des opérateurs. Enfin, l'intervention des collectivités a un effet de levier indéniable sur l'investissement privé. 1 € public investi suscite directement 1 € privé directement dans le projet et 2 € sur le territoire. Le très haut débit avec l'arrivée de la fibre dans la boucle locale constitue la prochaine étape très structurante de l'évolution des réseaux dans notre pays. Plus encore que dans le haut débit, le rôle des collectivités locales sera déterminant dans le déploiement de ces nouveaux réseaux. Elles ont tout d'abord un rôle à jouer dans la collecte et la mise à disposition, auprès des acteurs, de l'information sur les ouvrages de génie civil et les réseaux de communications établis sur leurs territoires. Elles peuvent ensuite coordonner les travaux de génie civil et, quand elles ouvrent leur sous sol, poser des fourreaux en attente. Elles peuvent aussi mettre du génie civil à la disposition des opérateurs. Par ailleurs, elles peuvent éviter les duplications inutiles et lisser l'investissement privé sur un territoire plus large, et enfin éviter la reconstitution de monopoles locaux. Réseaux et télécoms : Que pensez-vous de la demande d'offres de Bitstream par les opérateurs comme Free qui disent être désavantagés par rapport à France Telecom qui a pu progresser pour son déploiement de la fibre optique ? Gabrielle Gauthey : Pour le moment, la réglementation et la régulation du très haut débit se concentrent sur la mise à disposition prochaine, par France Telecom, d'une offre de référence pour l'accès à ses fourreaux et sur la mutualisation de la partie terminale de la fibre dans l'accès par l'ensemble des opérateurs. Ce dernier point permettra la concurrence en infrastructures des opérateurs via la maîtrise des équipements actifs. Il n'est pas souhaitable à court terme d'imposer à France Telecom de proposer une offre de bitstream sur la fibre car une telle obligation pourrait freiner les investissements des opérateurs alternatifs dans le très haut débit. En outre, ces offres ne sont pas encore matures techniquement. Toutefois, si nous constatons, même avant l'échéance de notre analyse de marché du haut et du très haut débit, que cela peut se justifier, il sera toujours possible d'imposer à France Telecom de fournir une offre de bitstream sur la fibre sans refaire une nouvelle analyse de marché complète. Réseaux et télécoms : La semaine dernière, Jean-François Copé a menacé les opérateurs d'autoriser un 4ème opérateur mobile s'ils ne voulaient pas payer la taxe pour financer la télévision publique. Que pensez-vous de cette phrase ? Gabrielle Gauthey : Nous avons une consultation en cours sur divers scénarios d'attribution de fréquences 3G encore disponibles. Un débat parlementaire aura lieu à l'automne et portera notamment sur le montant de la redevance. Celle-ci sera ensuite fixée par décret. Il reviendra ensuite à l'ARCEP de proposer au gouvernement les nouvelles modalités d'attribution. Ce n'est qu'après accord du gouvernement qu'un nouvel appel à candidatures pourra être lancé qui n'aboutira probablement pas avant 2009. Réseaux et télécoms : Le déploiement du Wimax prend du retard car les opérateurs, Bolloré en tête, disent que les équipements ne sont pas prêts. Quelle est votre position ? Gabrielle Gauthey : Il y a actuellement deux technologies Wimax disponibles : le 802.16d et le 802.16e. La première fonctionne notamment pour l'extension du fixe dans les zones peu denses. Elle est déjà déployée avec succès dans certaines régions comme la Seine-et-Marne et l'Alsace où elle permet la couverture des zones blanches. Mais certains opérateurs comme Bolloré ont un autre projet. Ils sont partis sur la technologie 802-16 e car ils veulent faire de la mobilité, essentiellement dans les zones denses. Mais la disponibilité des équipements autour de la technologie 802-16e a pris du retard. Et il n'y a pas de compatibilité entre les deux technologies. Un investissement en 802-16d n'est pas facilement réutilisable en 802-16e. Toutefois, même si nous sommes conscients de ces difficultés techniques, les licences que nous avons délivrées ne sont pas liées à une technologie particulière. L'ARCEP est en train de faire le bilan des engagements de déploiements au vu desquels les opérateurs avaient obtenu leurs licences. Réseaux et télécoms : Autre sujet d'actualité : le dividende numérique ? Gabrielle Gauthey : Nous attendons une décision du Premier ministre au cours de l'été. Nous sommes optimistes mais maintenant, la question est de savoir si les télécoms vont récupérer une bande passante de 56 MHz ou de 72 MHz, ce qui est très inférieur à ce qu'ont obtenu des zones comme l'Asie et les Etats-Unis. 56 MHz, ce n'est pas assez, surtout quand on sait qu'Internet va être le vecteur de l'audiovisuel de demain. Pour les télécoms, c'est une occasion unique et ce sont des décisions structurantes pour l'avenir. Les fréquences qui vont se libérer à court terme pour le très haut débit mobile seront des fréquences hautes (2.6 GHz). Or, il faut savoir que couvrir le territoire avec une fréquence à 3,4-3,6 GHz coûte cinq à sept fois plus cher que dans les bandes basses du 700 MHz, car plus on est haut, plus il faut densifier. Réseaux et télécoms : Que pensez-vous du super régulateur européen voulu par Viviane Reding ? Gabrielle Gauthey : Nous ne sommes pas contre une meilleure harmonisation européenne. Il existe actuellement une bonne collaboration entre les différents régulateurs au sein du GRE qui dispose des experts et de la compétence technique. Mais nous ne sommes pas favorables à la création d'une structure supplémentaire. C'est aussi la position du Parlement européen. La meilleure solution serait de renforcer les compétences et la gouvernance du GRE.

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