L'Autorité de la concurrence se félicite de l'arrivée de Free Mobile

le 11/07/2012, par Jean Pierre Blettner, Régulation télécoms, 1455 mots

L'Autorité de la concurrence a remis le rapport de son activité 2011. Le numérique y tient une place importante. Les dossiers en cours concernent la neutralité d'internet, le déploiement du haut et du très haut débit et les mobiles. L'Autorité se félicite de l'arrive de Free Mobile qui a aidé à redynamiser le marché.

L'Autorité de la concurrence se félicite de l'arrivée de Free Mobile

A l'heure où la pression monte dans le secteur des télécoms, l'Autorité de la concurrence publie son rapport annuel 2011, et souligne l'importance d'une économie régulée, mais concurrentielle.

L'Autorité rappelle qu'elle a encouragé et soutenu l'arrivée de Free dans les mobiles. Elle veut même aller plus loin, et elle est favorable à la fixation - à titre transitoire - d'une terminaison d'appel asymétrique au profit de Free Mobile, comme a pu en bénéficier pendant plusieurs années Bouygues Télécom quand il est arrivé sur le marché. On mesure d'autant plus l'ironie de la proposition que Martin Bouygues vient d'écrire aux députés en pointant Free Mobile comme étant la source de tous les maux du secteur des télécoms.  

En effet, un opérateur naissant qui souhaite proposer des offres "illimitées tous réseaux" subit nécessairement des déséquilibres de trafic, et donc financiers, par rapport aux opérateurs qui ont une taille de marché significative, et qui lui facturent les frais de terminaison d'appel.

Accessoirement, l'Autorité rappelle qu'en 2005 (elle s'appelait alors Conseil de la concurrence), elle avait sanctionné par une amende de 534 millions d'euros les trois opérateurs mobiles, Orange France, SFR et Bouygues Télécom parce qu'ils s'étaient partagé le marché. L'Autorité qualifie cette entente d' « une des plus importantes de ces dix dernières années ».

Photo : Sébastien Soriano, rapporteur général adjoint de l'Autorité de la Concurrence. Il est et devenu depuis directeur de cabinet de Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'économie numérique



L'Autorité considère que le marché a été redynamisé suite aux offres très attractives de Free, et aux offres "low-cost" avec lesquelles les trois opérateurs en place ont riposté.  Pour autant, l'Autorité surveille toujours le secteur. Ses services d'instruction enquêtent actuellement afin de vérifier que les MVNO sont eux aussi en mesure de répliquer, compte tenu des conditions tarifaires pratiquées par leur opérateur hôte.

L'arrivée de Free exerce une pression forte sur les prix, reconnaît Sébastien Soriano, rapporteur général adjoint de l'Autorité et devenu depuis directeur de cabinet de Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'économie numérique. Il pointe que Free Mobile a choisi un modèle économique différent, qui remet en cause notamment le subventionnement du terminal ainsi que la tarification des trois autres opérateurs, qui reposait beaucoup sur la valorisation de la voix.

Autre bataille clé en cours pour l'Autorité : celle des 'Over the top'.  Sébastien Soriano constate que des tensions se créent sur la chaîne verticale d'internet pour la maîtrise de la relation finale avec le client et le partage de la valeur, entre les acteurs "over the top", les principaux d'entre eux sont appelés "GAFA", c'est-à-dire Google, Apple, FaceBook et Amazon, et les acteurs traditionnels que sont les opérateurs de télécoms et les éditeurs de contenus.

Illustration de cette tension : l'Autorité de la Concurrence instruit actuellement une plainte de la part de l'opérateur de transit Cogent. Cogent accuse Orange d'empêcher les internautes d'accéder au site MegaUpload - qui depuis a été fermé par la justice américaine - en dégradant le service, tandis que pour sa part, Orange considère que les flux de trafic générés sont trop importants et engorgent son réseau, sans contrepartie financière.

Sébastien Soriano souligne que c'est la première fois qu'une autorité de concurrence est amenée à se pencher sur ce type de problématique, qui pose indirectement la question de la neutralité d'Internet.



Cogent, a déposé une plainte contre France Télécom, faisant valoir que cette dernière refusait d'ouvrir gratuitement de nouvelles capacités d'interconnexion pour permettre à ses abonnés Orange d'accéder aux différents services PSI (hébergeurs, sites Internet, fournisseurs de contenus et de services en ligne...). Orange indique de son côté qu'il refuse d'augmenter les capacités d'interconnexion en raison de la forte asymétrie de trafic jouant en sa défaveur.

Dans le cadre de la procédure en cours à l'Autorité, les services d'instruction ont estimé que les pratiques ne semblaient pas constituer une infraction. France Télécom n'a pas refusé l'accès de Cogent à ses abonnés. Il a seulement demandé à être rémunéré, conformément à sa politique de peering, pour l'ouverture de nouvelles capacités.

Alors Orange sera-t-il blanchi ? Pas encore, l'Autorité indique que l'instruction du dossier montre que France Télécom fournit à un site très populaire auprès des internautes et donc générant un trafic très important, une prestation d'accès aux abonnés d'Orange, par le biais d'Open Transit - l'opérateur de transit dont France Télécom est propriétaire -, à un prix  sensiblement inférieur aux pratiques du marché. dès lors, il ne peut être exclu un effet de ciseau tarifaire pour un opérateur de transit concurrent souhaitant répondre à la demande du site d'accéder aux abonnés d'Orange. 

France Télécom a proposé des engagements visant à rendre plus transparente la politique tarifaire et technique d'interconnexion à Internet de son réseau, lesquels ont été testés par l'Autorité auprès des acteurs intéressés. Il sera ainsi plus aisé de vérifier qu'aucune pratique anticoncurrentielle n'est mise en oeuvre. L'Autorité rendra son avis sur ce dossier au mois d'Août prochain. 



En ce qui concerne le déploiement de la fibre optique dans tous les foyers, Sébastien Soriano demande à l'Arcep d'accompagner le déploiement du nouveau réseau afin de donner aux opérateurs les bonnes incitations en matière d'investissement. Et il demande d'éviter le dogmatisme en matière de concurrence par les infrastructures. « Il faut accepter l'idée qu'il n'y aura qu'un seul réseau en dehors des centres urbains » dit-il.

Il considère que l'enjeu de la régulation est d'assurer un accès partagé à ce réseau sans décourager les investisseurs. D'où des formes de co-investissement qui se mettent en place. Ce modèle ne doit cependant pas exclure les opérateurs ayant des capacités limitées d'investissement et qui doivent pouvoir exercer une concurrence par les services. De plus, il insiste sur le fait qu'un tel projet d'infrastructure ne pourra être porté par le marché seul.

En ce qui concerne le haut débit, l'Autorité de la concurrence considère qu'un basculement progressif vers le droit commun en matière de concurrence peut aujourd'hui être envisagé puisque dans les zones denses, Free et SFR font désormais jeu égal avec l'opérateur historique Orange.

S'agissant du déploiement de la fibre optique, l'Autorité préconise l'instauration d'une clause de rendez-vous à 18 mois pour évaluer l'efficacité du dispositif de régulation actuelle proposé par l'Arcep. A l'occasion de ce bilan à mi-parcours (l'Arcep a proposé un plan 2011-2014), il pourrait apparaitre que les possibilités d'investissement des différents opérateurs dans les réseaux sont insuffisantes ou que les consommateurs disposent d'une liberté de choix trop réduite. Dès lors, une réorientation de la régulation pourrait être envisagée afin de favoriser davantage une concurrence par les services, en imposant, de manière plus large qu'actuellement, la fourniture d'offres de gros d'accès à la fibre optique.



L'Autorité a relevé le risque que les collectivités locales favorisent les opérateurs verticalement intégrés, Orange et SFR, au détriment des autres candidats "pure players" qui servent uniquement le marché de gros. C'est pourquoi elle a recommandé que les opérateurs intégrés fournissent aux collectivités locales, lorsqu'ils ont l'intention de candidater à un appel d'offres, les conditions dans lesquelles ils seraient susceptibles d'utiliser le réseau public en tant que FAI, de façon à ce que cette information puisse être communiquée à l'ensemble des candidats.

Enfin, l'Autorité a noté que l'Arcep disposerait prochainement de la faculté d'imposer à l'opérateur historique une séparation fonctionnelle entre ses activités de monopole et celles qui sont concurrentielles. Tout en soulignant qu'il était encore prématuré de se prononcer sur l'opportunité de recourir à un tel instrument, l'Autorité a invité l'Arcep à entamer les travaux préalables à son utilisation éventuelle.

Dernier dossier, la terminaison d'appel vocal mobile. Saisie par l'Arcep, l'Autorité rappelle qu'a rendu un avis dans lequel elle s'est déclarée favorable à la mise en place d'une régulation ex ante de la terminaison d'appel vocal mobile de Free et des Full MVNO que sont LycaMobile, Oméa Télécom et NRJ Mobile.

Lorsqu'un appel mobile est passé, l'opérateur de la personne appelée perçoit un revenu de la part de l'opérateur de l'appelant, correspondant au coût d'acheminement de l'appel sur la partie terminale du réseau. C'est ce que l'on appelle "la terminaison d'appel vocal".

Le niveau des prix de gros de la terminaison d'appel vocal mobile est déterminant pour l'animation concurrentielle des marchés de détail. L'Autorité se déclare en revanche préoccupée par les barrières à l'entrée qui demeurent en raison du niveau élevé des charges de terminaison d'appel.

En effet, un opérateur naissant qui souhaite proposer des offres "illimitées tous réseaux" subit nécessairement des déséquilibres de trafic, et donc financiers, par rapport aux opérateurs qui ont une taille de marché significative.

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