Robert Chu
Directeur du secteur Télécommunications, Energies & Médias, chez IBM France

le 28/07/2006, par Olivier Coredo , RT Opérateurs/FAI

IBM intervient dans l'ombre auprès des opérateurs télécoms afin de les supporter dans le lancement de leurs nouvelles offres. Robert Chu, Directeur du secteur Télécommunications, Energies & Médias, chez IBM France est particulièrement bien placé pour identifier les atouts, mais aussi les failles de ces acteurs.

Robert Chu

R&T : Que représente le secteur des télécoms chez IBM ?

Robert Chu : Depuis la fin des années 90, le secteur des télécoms est très important chez IBM. Le groupe a mené des investissements volontaristes sur ce marché. Cet axe de développement est logique. Fort de notre expertise sur les technologies Internet, nous sommes en mesure d'aider les opérateurs fixes et mobiles à dépasser le cadre de leurs offres classiques et d'innover sur les services convergents. Nous possédons dorénavant une très forte légitimité sur ce marché.

R&T : Concrètement, que proposez vous aux opérateurs télécoms ?

R.C. : Tout d'abord, nous assistons les opérateurs afin de les aider à développer de nouveaux services. Ainsi, nous avons développé la plate-forme de convergence fixe-mobile chez Sprint-Nextel aux US. En Asie, nous comptons comme clients Telstra et Far East Tone. En Espagne, Téléfonica. Les opérateurs doivent lancer leurs nouveaux services sur des cycles très courts. Nous les supportons dans la mise au point de leurs services datas ou bien leur migration vers les réseaux de Nouvelle Génération (NGN). En France, nous accompagnons un opérateur majeur dans la mise en oeuvre de sa plate-forme de services data Ensuite, nous leur fournissons le hardware, à savoir des serveurs « Blade » spécifiques « telco-grade ». Ces serveurs sont sous-jacents aux services opérateurs. Nous travaillons pour cela en étroit partenariat avec les équipementiers, tels Alcatel/Lucent, Nortel ou de nouveaux entrants comme Cirpack ou Huawei.
Pour finir, nous aidons les opérateurs à développer leurs affaires sur le marché des entreprises. Nous travaillons sur bon nombre d'initiative en Mobilité et accompagnons le développement d'applications métiers spécifiques. Là encore nous sommes partenaires de Nextel, mais aussi d'Orange en France et au R.U. Nous avons développé la composante technologique d'Orange Mail. Nous travaillons aussi avec China Mobile ou Telstra en Australie.

R&T : Comment se positionnent les opérateurs français sur les réseaux NGN ?

R.C. Le marché Français est plutôt en avance. A cela, deux raisons majeures. Sur le fixe, la base adsl installée est très développée et commence à saturer. Les opérateurs fixes cherchent donc à fournir des services mobiles dans le cadre d'offre de type « quadruple play » (internet, TV, VoIP et mobile). Les offres de convergence sont ainsi stimulées. Cela crée une bonne dynamique. Deuxième tendance, à l'inverse, les opérateurs mobiles cherchent à diversifier fortement leurs offres, voire même à se positionner sur le fixe. Les offres quelquefois se phagocytent entres-elles. Résultat, les opérateurs font évoluer rapidement leurs plates-formes de services et leurs réseaux. Bien qu'il n'y ait pas de démarche très volontariste comme BT avec son 21st Century Network, les Français ne sont pas en retard face à leurs homologues Européens.

R&T : Le marché des entreprises est-il réellement en attente de services convergents ?

R.C . : Leur souhait le plus fort est de baisser leurs factures voix et données. Sur le fixe, la VoIP y contribue. Sur le mobile, les opérateurs sortent d'astucieux packs forfaitaires permettant aux entreprises de bien contrôler leurs dépenses mobile et, par conséquent, les entreprises n'ont pas besoin de faire de la téléphonie sur Wifi avec des terminaux bimodes Wifi/GSM. Il faudra leur démontrer qu'elles vont réaliser des économies ou des gains de productivité pour les pousser sur ce genre d'offres. Par contre, dès que l'entreprise veut déployer de vrais services multimédias, la convergence prend tout son sens. Sur le haut-débit fixe, des applications de TV d'entreprise, de e-learning ou de documentation multimédia commencent à émerger. Sur le mobile, c'est anecdotique. Par contre, le marché grand public est tiré par la demande des teenagers, avides de services personnalisés, autocréés, communautaires et surtout multi-supports fixe et mobile. Ainsi, la convergence commence à prendre sur le marché résidentiel et grand public.

R&T : Pourquoi les opérateurs mobiles ne parviennent-ils pas à percer sur les applications métiers ?

R.C. : Ils sont limités et ne peuvent fournir une solution de bout en bout. D'une part parce qu'ils ne sont pas les mieux positionnés pour accéder à certains interlocuteurs clés dans l'entreprise, comme les responsables métiers qui lancent des projets de mobilité (le chef des ventes ou le responsable de la maintenance par exemple). D'autre part, ils ne connaissent pas bien le S.I. Dès qu'il s'agit de développer autre chose que du mail, ils ne connaissent pas les interfaces et les systèmes. Ils pêchent sur la capacité d'intégration. Ce n'est pas leur métier. C'est pour cela que nous leur apportons notre support. Nous avons ainsi développé conjointement avec des opérateurs des applications de maintenance chez Ricoh ou de la gestion des tournées pour le développement des photos des kiosques chez Kodak. Les opérateurs peinent à proposer des solutions clés en main aux PME. Aux US, Sprint propose un service commun avec Siebel. En France, le marché n'est pas assez mature. Par contre, sur le marché des grands-comptes, le packaging d'offres métiers est impossible. Leurs S.I. sont trop spécifiques, il faut concevoir des offres sur mesure.

R&T : Quel défis à court-terme vont avoir à relever les opérateurs ou les FAI ?

R.C. : Les opérateurs ont installé des «boxes » en série, et commence maintenant à se soucier de leur gestion et de leur QoS. C'est le principal challenge à relever à court terme. Et c'est encore plus vrai dans le monde de l'entreprise avec les « boxes pro ». L'opérateur doit maintenant monter dans la chaîne de valeur, gérer la QoS et la QoE (Quality of Experience). Les boxes sont de plus en plus complexes, sortent de plus en plus vites avec des services toujours plus évolués. IBM possède une très forte expertise sur l'informatique embarquée, notamment avec notre partenariat avec Valeo sur le secteur automobile. La problématique est la même. Nous travaillons très en amont avec les fabricants de boxes afin d'aider ensuite les opérateurs à manager ces équipements complexes.