Régis Ravanas et Gilles Maugars
Directeurs Généraux adjoints du groupe TF1

le 25/07/2011, par Charles de Laubier, RT Infrastructure

« Nous sommes précurseurs dans la TV connectée et la TNT 2.0 »

Régis Ravanas et Gilles Maugars

Pour Régis Ravanas et Gilles Maugars, directeurs généraux adjoints du groupe TF1 - l'un des diversifications, l'autre des technologies et des systèmes d'information -, la TV connectée est déjà une réalité. Mais ils s'interrogent sur les « obligations allégées » des acteurs du Net.

Edition Multimédi@ : Vous présidez e-TF1 mais aussi, depuis janvier 2011, TF1 Vidéo (1). Et ce, en plus de TF1 Entreprises et Téléshopping. TF1 Vidéo offre de plus en plus de services en ligne : va-t-on vers une fusion entre e-TF1 et TF1 Vidéo ? Quelles seront les synergies ?

Régis Ravanas : Avec l'évolution des usages, le développement de notre activité de vidéo à la demande (VOD) s'accélère et TF1 Vision bénéficie des rebonds possibles avec eTF1, à l'image des nombreuses synergies déjà en place. Par exemple, avec le portail IPTV de TF1 [diffusé via le réseau ADSL, ndlr], MyTF1 est disponible sur la Freebox, la Bbox et la Livebox, proposant un accès direct à la VOD de TF1 Vision et à de nombreux rebonds éditoriaux. Des synergies existent aussi entre les sites web Tf1.fr et Tf1Vision.fr. Par ailleurs, on retrouve sur la TV connectée de Samsung une application dédiée à la VOD, aux cotés des applications sport, news, météo, grille et événement. Les produits les plus concernés par ces synergies sont les séries américaines. TF1 Vision a, en effet, été le premier acteur à proposer des séries « US » en premium VOD avec son offre « en direct des USA ». Elle propose une consommation légale des séries américaines au lendemain de leurs diffusions outre-Atlantique. On couvre ainsi l'ensemble de la proposition depuis la diffusion en premium VOD, grâce à cette offre, puis avec la diffusion à l'antenne de TF1, suivie ensuite de la disponibilité en catch up TV [télévision de rattrapage, ndlr] gratuite, et enfin à nouveau en VOD traditionnelle. Il y a donc de nombreuses passerelles possibles entre ces entités pour proposer une offre complète à nos publics. Le sujet n'est pas de fusionner, mais de favoriser et accélérer les synergies et le partage d'expérience entre toutes les filiales du groupe.

EM@ : Pensez-vous que la multiplication des services délinéarisés contribue à l'érosion de l'antenne ? Compensent-ils cette légère baisse de l'audience linéaire ?

R. R. : Non absolument pas, au contraire, l'expérience de la télévision de rattrapage sur TF1.fr et MyTF1 nous prouve la complémentarité des écrans. Proposer Mentalist en catch up TV, par exemple, n'empêche pas la série d'atteindre 10 millions de téléspectateurs à l'antenne et de faire de très bons scores en rattrapage. C'est sur les programmes de télé réalité que le phénomène est encore plus visible, comme sur Secret Story. Il n'y a donc pas de « compensation », mais une réelle complémentarité entre ces deux médias, TV et Web. La durée d'écoute de la télévision n'a jamais été aussi importante, et celle de la consommation vidéo online ne cesse de croître.

EM@ : En décembre 2009, TF1 et Samsung ont signé un accord « TV connectée » sur trois ans (2010-2012). Quels services sont proposés et quels autres vont l'être d'ici à fin 2012 ? A quand la VOD par abonnement (SVOD) ?

R. R. : Nous souhaitons nous inscrire en précurseurs et nous avons été les premiers...

(1) - NDLR : e-TF1 a réalisé 78,2 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2010. De son côté, TF1 Vidéo a généré 88,8millions de revenus l'an dernier. Les recettes de la vidéo à la demande (VOD) ont été de 16millions d'euros. TF1 Vidéo affiche en 2010 une perte opérationnelle de 9,5 millions d'euros.

Photo : Régis Ravanas, directeur général adjoint de la diversification au sein du groupe TF1



...à proposer ce type de développement sur les TV connectées. Il est naturel qu'un leader comme TF1 s'associe avec le leader du marché Samsung. Nous avons mis en place une offre de six applications sur des thèmes où les attentes de notre public sont fortes : bulletin météo en vidéo ou simplement accès aux cartes, dernières dépêches d'information avec TF1 News, tous les résultats et news sportifs sous la marque Eurosport, application « événement » reprenant les temps forts de l'antenne de TF1, grille des programmes de TF1. Une nouvelle étape a été franchie avec l'arrivée, depuis quelques jours, de l'application TF1 Vision permettant de louer de la VOD ; son développement a demandé un travail spécifique, notamment concernant le micro-paiement et la protection des DRM [Digital Rights Management ou gestion des droits numériques, ndlr]. Nous avons été en un an très dynamiques sur cette activité, dont les usages et les pratiques du public sont encore en développement. Il est aujourd'hui prématuré de parler de la SVOD.

EM@ : TF1 dénonce la réglementation « asymétrique », contraignante pour les chaînes et allégée pour les plates-formes vidéo - YouTube, Dailymotion (2), bientôt Hulu ou Netflix. Le décret SMAd est-il insuffisant ?

R. R. : Les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) constituent un secteur émergent, dont le modèle économique est soit non défini à ce stade, soit encore fragile - notamment en raison des coûts liés à l'acquisition de droits spécifiques, des coûts techniques élevés et du piratage des contenus proposés. L'objectif des pouvoirs publics était de favoriser l'essor des offres légales. Or, le niveau d'obligations fixé par le décret SMAd rendra difficile le maintien de cette offre légale. De plus, les opérateurs télécoms et les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) tirent largement bénéfice de ces services, mais ne sont soumis à aucune obligation de contribution au financement de la création. Surtout, les SMAd français sont confrontés à la concurrence des acteurs étrangers, lesquels ne sont pas soumis aux mêmes obligations. Ces dernières sont pénalisantes pour les acteurs français et favorisent les services étrangers aux obligations allégées. De fait, pour les SMAd, notamment ceux accessibles depuis Internet, les barrières géographiques sont inexistantes. Cette disparité de règles conduira à un affaiblissement des opérateurs nationaux, alors que l'objectif visé par le décret est de trouver dans les SMAd des relais de financement du secteur de la création nationale et européenne.

EM@ : Après le standard HbbTV (3) en déploiement, TF1 discute avec des fabricants de téléviseurs au sein du HD Forum d'un projet de « label TNT 2.0 ». Quel est l'objectif de ce label et quand sera-t-il apposé sur les postes ?

(2) - NDLR : Par ailleurs, TF1 accuse depuis 2008 YouTube et Dailymotion de piratage et demande réparation devant le TGI de Paris, lequel ne devrait pas se prononcer avant fin 2011.
(3) - Hybrid Broadcast Broadband TV (HbbTV).



Gilles Maugars : Le label TNT 2.0, en cours d'élaboration au HD Forum, est un label destiné à la TNT (4) de deuxième génération, après la fin de l'analogique qui aura lieu en novembre 2011. Dès le début 2012, ce label sur les téléviseurs devrait inclure : l'intégration de la norme HbbTV, des compléments à la norme HbbTV comme l'utilisation de touches de la télécommande ou des DRM (moyens de protection des signaux et de paiement), l'accès à un guide TNT diffusé, quelques améliorations dans les mots d'usages de la TNT actuellement hétérogènes (scanning, reset, mise à jour des chaînes, installation, ... chacun a inventé le sien !). Il y aura une compatibilité complète avec les flux TNT (pas de gène pour ceux qui ne sont pas labellisés, simplement du plus pour ceux qui le sont) et une mise à niveau des caractéristiques des téléviseurs (nombre de chaînes, complexité du réseau, ...).

EM@ : Pourquoi les fabricants de téléviseurs ne veulent pas de la charte « TV connectée » (5) du 19 octobre 2010 ? A qui « appartient » la surimpression du flux ?

G. M. : Les chaînes ont en effet publié une charte en 2010. Cela ne veut pas dire que le respect de la charte sera dans le label TNT 2.0, ce point peut être bloquant. Mais les industriels restent prudents, ce qui était déjà le sens de la charte. La surimpression n'appartient pas vraiment à un acteur, c'est ce qui pose problème. Dans le pire des cas, cette surimpression serait « rendue possible » par les outils des téléviseurs eux-mêmes, puis « utilisée » par des services en ligne non contrôlés. Mais c'est ce genre de mécanisme que les industriels sont prêts à éviter, dans une discussion permanente avec les chaînes. La complémentarité chaînes/industriels a permis depuis quelques années de renouveler tout le parc français de téléviseurs, les chaînes diffusant tant en TNT qu'en HD, pendant que les industriels adaptaient leurs modèles. Ce processus de coopération entre éditeurs de chaînes de télévision et fabricants de téléviseurs est assurément le plus efficace.

@ Propos recueillis par Charles de Laubier


A NOTER  :
- "Le Guide de l'info mobile", ou comment "Gérer l'information sur le premier média du monde" par Charles de Laubier,  vient de paraître au CFPJ Editions :
http://www.cfpj.com/editions/le-guide-de-l-info-mobile.html



(4) - Télévision numérique terrestre (TNT).
(5) - Le 23 novembre, 11 éditeurs de chaînes de télévision françaises ont rendu public la « Charte des éditeurs sur les modalités d'affichage des contenus et services en ligne sur les téléviseurs et autres matériels vidéo connectés ».