Christine Albanel
Responsable des événements, des partenariats et de la solidarité d'Orange - Ancienne ministre

le 16/11/2012, par Charles de Laubier, RT Opérateurs/FAI

Christine Albanel a été nommée il y a plus de deux ans directrice exécutive de France Télécom. Elle est aujourd'hui en charge des événements, des partenariats et de la solidarité d'Orange. L'ancienne ministre de la Culture et de la Communication répond aux questions de Edition Multimédi@.

Christine Albanel


Edition Multimédi@ : Vous avez présenté le 23 octobre 2012 des innovations développées en partenariat avec des acteurs de la culture : la navigation par geste 3D, des applications, de la lecture enrichie, etc. Quels sont les points communs entre ces projets ? Quel est l'objectif pour un opérateur télécoms comme Orange ? Dans quels autres domaines culturels comptez-vous encore investir ?

Christine Albanel :Le point commun entre tous ces projets, c'est précisément l'innovation numérique au service de partenariats bien compris, où de grands acteurs culturels. Versailles, le Louvre ou la BNF apportent les contenus et Orange son savoir-faire technologique. Ainsi, nous venons de développer les applications du Palais de Tokyo, du Musée du Quai Branly et celle du Louvre-Lens qui va ouvrir ses portes en décembre. L'objectif est de montrer ce savoir-faire, de créer des prototypes qui peuvent donner lieu à des développements commerciaux et, bien sûr, de contribuer à la démocratie culturelle.
En outre, nous nous intéressons beaucoup au livre numérique. Par exemple, nous venons de développer - en partenariat avec la BNF et la Fondation Voltaire - une extraordinaire version enrichie de Candide avec accès au manuscrit original, à diverses exégèses, à une version audio, etc... Ce projet pourrait être l'amorce d'une collection qui regrouperait les grands fondamentaux de la littérature mondiale.

Edition Multimédi@ : Après avoir été ministre de la Culture et de la Communication (de mai 2007 à juin 2009), jusqu'à l'adoption de la loi Hadopi I, vous avez préconisé dans votre rapport sur le livre numérique que les éditeurs se rapprochent de l'Alpa pour lutter contre le piratage et créent une plateforme unique : qu'en est-il aujourd'hui ? Et quel rôle joue Orange dans ce projet de plateforme ?

Christine Albanel :Orange porte aujourd'hui une ambition qui va au-delà de la plateforme unique, puisque le groupe a été à l'initiative d'un projet qui rassemble les principaux acteurs du monde du livre numérique : éditeurs, libraires, entreprises technologiques, opérateurs [NDLR : Gallimard-Flammarion, Editis, Seuil-La Martinière, Orange, SFR ou encore ePagine]. Ce projet vise à construire un modèle ouvert du livre numérique, par opposition au système fermé proposé par les grands acteurs américains comme Apple ou Amazon. Il repose sur le principe de l'interopérabilité des offres existantes, de la portabilité : on doit pouvoir passer d'un terminal à un autre, et de la pérennité ; on doit avoir accès à ses oeuvres numériques sans limitation de durée. Cette initiative a été sélectionnée par le Grand emprunt [qui finance 3 millions d'euros sur les 7 millions du projet, NDLR] et nous sommes aujourd'hui en train de construire le prototype de ce modèle ouvert. Il est évident que ce type de projet va dans le sens d'un accroissement de l'offre légale du livre numérique, ce qui est un élément-clé dans la lutte contre le piratage.



Edition Multimédi@ : Comment percevez-vous l'« Acte 2 de l'exception culturelle » de François Hollande et quel regard portez-vous sur la mission « Lescure » (allez-vous être auditionnée ?) ? Vous avez porté le projet de loi Hadopi : pensez-vous qu'il faille supprimer l'Hadopi et la réponse graduée ?

Christine Albanel :Tout d'abord, évoquer un « Acte 2 » signifie que l'on se place dans la continuité de l'exception culturelle française qui s'attache, depuis des siècles, à défendre le droit des auteurs, et bien sûr je m'en réjouis. On voit bien qu'il ne s'agit pas de faire table rase. Je n'ai pas le sentiment que la mission Lescure veuille supprimer l'Hadopi, purement et simplement, mais plutôt adapter cette Autorité à l'évolution des usages d'Internet. Ce serait d'ailleurs dans l'esprit de la loi Hadopi, qui se proposait de fixer un cadre, nécessairement évolutif, et qui avait le double objectif de faire oeuvre pédagogique sur le droit d'auteur, et de favoriser l'offre numérique légale. 
S'agissant de la mission Lescure, je suis naturellement prête à être auditionnée s'ils le souhaitent. En tant qu'opérateur de réseau et qu'acteur de l'offre légale, le groupe France Télécom-Orange va l'être dans les prochains jours.

Edition Multimédi@ : Dans votre rapport « livre numérique », vous préconisiez la TVA réduite. Début juillet, la Commission européenne a ouvert une procédure d'infraction contre la France à ce sujet : qu'en pensez-vous ? Les missions « Lescure » et « Toubon » vont convaincre l'Europe d'une harmonisation fiscale sur les produits culturels : comment soutenez-vous cet objectif ?

Christine Albanel :Je suis en effet convaincue qu'une TVA réduite est très importante pour l'accessibilité des biens culturels, et qu'elle est l'une des clés du développement du livre numérique. Je me réjouis donc des dispositions qui ont été prises par la France en ce sens. Il était tout à fait anormal que le livre papier et le livre numérique aient des TVA complètement différentes. En ce qui concerne l'harmonisation fiscale, c'est un immense enjeu européen dont on voit bien la nécessité. Il est clair que les acteurs français de la culture, et notamment de l'édition, ne peuvent jouer à armes égales avec des acteurs américains qui installent leur siège social européen dans les pays où la fiscalité est moins élevée qu'en France. Il est essentiel que les géants du Net apportent leur contribution au financement de la culture et de la création. D'ailleurs, cela vaut aussi pour le financement des réseaux, dont ils sont de grands utilisateurs. Je m'efforcerai, à l'intérieur d'Orange comme à l'extérieur, de défendre ces thèses.



Edition Multimédi@ : Vous êtes entrée le 1er avril 2010 au comité exécutif de France Télécom, en tant que « directrice de la communication, du mécénat d'Orange, et de la stratégie dans les contenus ». Aujourd'hui, vous êtes en charge des événements, des partenariats et de la solidarité : quel est votre périmètre d'action ? 

Christine Albanel : La direction « événements, partenariats et solidarité » a pour première mission de porter l'engagement sociétal de France Télécom. C'est vrai pour la solidarité puisque notre Fondation Orange, dont l'action est désormais relayée dans 17 des pays où nous sommes implantés, mobilise près de 6.000 salariés bénévoles avec un budget total, pour l'ensemble du groupe, de près de 20 millions d'euros par an. Nous avons recentré l'action de la fondation sur quelques axes majeurs : l'autisme, la musique et la lutte contre la fracture numérique en France, et, dans nos filiales, notamment en Afrique, l'éducation et la santé, avec le souci constant d'améliorer la condition des femmes et d'utiliser notre métier, c'est-à-dire l'accès au numérique, comme un outil privilégié du développement économique et social. Sur le plan des partenariats, principalement tournés vers la culture, et en premier lieu vers les musées et le patrimoine, notre démarche consiste à proposer et à développer des innovations en lien étroit avec de grandes institutions, pour favoriser la découverte des musées et la diffusion du patrimoine. Quant à notre implication dans les grands événements - qui peuvent être sportifs, comme Roland Garros, technologiques, comme le Mobile World Congress, ou culturels, comme le Festival de Cannes -, elle concourt évidemment, comme les partenariats, au rayonnement de la marque Orange.