Comment respecter le secret de la correspondance en assurant la sécurité?
Par:
Thierry LAURIOL, Docteur d'Etat en droit, Avocat au Barreau de Paris
Philippe CHALLINE, Docteur en droit de l'informatique, Avocat au Barreau de Paris
Etabli par la loi du 10 juillet 1991, le secret des correspondances émises par voie de télécommunications est pénalement protégé par l'article 226-15 du Code Pénal.
Cet article réprime le fait "d'intercepter, de détourner, d'utiliser, ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par voies de télécommunications". Ce délit est un délit intentionnel, les actes énoncés par l'article 226-15 ne sont donc sanctionnés que si la personne qui les commet a conscience qu'elle n'est pas le destinataire de la correspondance et qu'elle n'a aucun droit de contrôle sur celle-ci.
L'exigence de l'intention pose deux problèmes relatifs aux courriers personnels dans le milieu professionnel.
De manière générale, l'intention coupable n'existe que si la personne qui lit la correspondance sait qu'elle n'en est pas le destinataire et si elle n'a aucun droit de contrôle sur le courrier.
Attention cependant : l'employeur a un droit de contrôle sur le courrier professionnel de son employé et il ne commet donc pas de violation du secret de la correspondance en le consultant .
A l'inverse l'employeur viole l'article 226-15 s'il consulte les courriers (v. Crim. 18 Juillet 1973) ou courriels personnels de son employé ( V. l'arrêt Nikon France rendu par la chambre sociale du 2 octobre 2001).
Reste une difficulté : comment savoir si le courrier est privé et protégé par le secret de la correspondance ou professionnel et consultable par l'employeur ?
Pour les lettres personnelles adressées au destinataire sur son lieu de travail, le caractère privé ou professionnel se déduit des mentions portées sur celle-ci, l'absence de mention particulière permettant à l'employeur d'en présumer le caractère professionnel (Crim. 16 janvier 1992).
Pour les e-mails, la jurisprudence semble plus protectrice. Un jugement du 2 novembre 2000 du TGI de Paris a en effet estimé que "l'envoi de message électronique de personne à personne constitue de la correspondance privée", ce qui semble conduire à présumer tout e-mail comme personnel.
Un second problème se pose quant à l'intention frauduleuse : Y-a-t'il violation du secret de la correspondance lorsque la personne qui consulte les e-mails, ou les détourne, le fait en vue de sauver le système face à un virus ou encore un piratage ?.
L'affaire ESPCI a abouti à un flou juridique concernant les éléments constitutifs du délit de violation de correspondance dans la mesure où la Cour de Paris a simultanément retenu l'existence de l'infraction et reconnu le caractère probable de l'ignorance des prévenus, c'est-à-dire, en définitive l'absence d'élément intentionnel.
Pour que le délit soit constitué, il faut que la personne faisant l'objet des poursuites ait volontairement pris connaissance d'une correspondance qui ne lui était pas destinée.
S'agissant des responsables d'un laboratoire de recherche de haut niveau, liés par un charte d'utilisation d'Internet et par des obligations de surveillance résultant du caractère confidentiel des données, il était indispensable de définir le domaine d'application de leurs prérogatives que manifestement ils n'ont pas eu conscience d'excéder.
En l'absence d'une telle définition, la seule défense possible semble donc l'état de nécessité (le fait d'être obligé de commettre une infraction en vue de sauver un bien ou une personne.)