L'Arcep veut revenir dans le débat, tout en restant dans son rôle
Critiqué, pour ne pas dire plus, par le dg de Bouygues Télécom ou le ministre de l'économie, l'Arcep a répondu avec sa sérénité habituelle. Sérénité due à ses missions, le régulateur ne s'exprime que s'il est concerné et dans la limite de ses attributions, donc loin des foucades de l'actualité.
Jean-Ludovic Silicani, Président de l'Arcep (*) conviait à une de ses rarissimes conférences de presse les journalistes spécialisés. Pas d'annonce particulière, simplement une série de mises au point.
. Le bon niveau de concurrence
Rendu obsessionnel, le débat sur le passage à 3 opérateurs ne semble pas stresser l'Arcep. C'est le bon niveau de concurrence qui l'intéresse, quel que soit le nombre d'opérateurs (« nous n'avons pas de nombre d'or »). Cette intensité concurrentielle est définie par plusieurs fac-teurs : « permettre aux entreprises du secteur de poursuivre leur modernisation, rééquilibrer les paramètres prix et qualité de service dans le choix des utilisateurs, encourager la mutualisation là où elle est possible, et enfin, si nécessaire, aller vers une consolidation du marché ».
La consolidation ne vient qu'en dernier, l'Arcep met en avant les conditions économiques de viabilité du marché et des opérateurs. Le régulateur publie d'ailleurs plusieurs études économiques : son rapport d'activité 2013, une enquête très médiatisée sur la qualité de service des opérateurs et enfin des indicateurs d'activité et de rentabilité des opérateurs.
. La régulation du câble
C'est l'un des serpents de mer du secteur : pourquoi ne pas réguler le câble comme l'a été l'adsl ? Les technologies explique l'Arcep sont différentes, le FTTH c'est du point par point, le câble c'est une capacité partagée par les clients qu'on ne peut pas dégrouper. La loi LME de 2008 prévoit uni-quement le dégroupage du FTTH, ce qui est fait. Numericable échappe donc à cette obligation pour deux raisons, techniquement c'est impossible (pour le moment) et le législateur ne l'a pas prévue.
. L'itinérance par plaque
L'itinérance est un vieux sujet qui a émergé en 2000, rappelle le régulateur, pour l'attribution des licences 3G. A l'époque trois opérateurs étaient en piste, mais il était prévu d'aborder le sujet de l'itinérance pour un quatrième opérateur, qui forcément n'aurait même pas de réseau 2G.
Début 2013, un avis du Conseil de la concurrence appuyé par un autre de l'Arcep, explique que cette itinérance est nécessaire mais ne peut pas durer indéfiniment. L'Arcep se met en état de vérifier l'avancée du réseau de Free qui doit être à 75% de réalisation au mois de janvier 2015. Si le régulateur observe une nette divergence entre l'engagement et la réalisation du 4ème opérateur, il procèdera à une mise en demeure anticipée, à l'automne 2014, suivie au mois de janvier suivant, si ce déploiement est toujours faible d'une procédure de sanction.
Autres précisions, l'une plus technique porte la constitution d'un réseau se fait par étapes, par couche successives. Une couche de base, la couverture de couverture, c'est le stade où se situe Free, et deux autres couches l'une plus qualitative l'autre sur la capacité. Pour l'heure, indique encore le régulateur, il n'est pas saisi d'un règlement de différent entre les deux opérateurs, Orange et Free, de toute manière si tel était le cas ce serait plutôt du ressort de l'Autorité de la concurrence.
. L'avenir du Plan Fibre optique
L'objectif c'est du FTTH partout, c'est un projet pour le siècle à venir, 20 à 25 milliards d'euros ne paraissent pas démesurés au départ pour installer ce réseau. Ensuite, un investissement tous les dix à quinze ans permettra de procéder aux modernisations nécessaires. Ce Plan est l'objectif des gouvernements successifs, du régulateur et du parlement.
. L'expérience de Palaiseau
Un laboratoire à petite échelle pour l'extinction du cuivre est mené à Palaiseau depuis fin 2012. L'objectif est de sortir une check liste valable au plan national pour bien répertorier comment assurer l'extinction du cuivre. Cette expérience est unique au monde selon le régulateur. Eteindre un réseau est presque aussi difficile qu'en construire un nouveau précise-t-il, pour montrer l'importance de ce qui se déroule à Palaiseau. Il faut notamment repérer tous les endroits où des difficultés se présentent pour l'opération d'extinction.
(en photo : Jean-Ludovic Silicani, Président de l'Arcep)
Et la mutualisation SFR / Bouygues Télécom ?
Signé fin janvier, l'accord de mutualisation des réseaux mobiles de SFR et de Bouygues Télécom est sujet à beaucoup d'interrogations depuis le rachat de SFR par Numericable et non pas par Bouygues. Les concurrents directs s'en mêlent, Orange ayant déposé plainte devant l'Autorité de la concurrence. Selon nos confrères des Echos, l'Arcep, sollicitée par l'Autorité de la concur-rence, a rendu un avis mitigé. L'Arcep a aussitôt démenti, se montrant favorable à la mutualisation et relativisant l'extension de cet accord à l'itinérance 4G, qui ne concernerait que 6 à 7% des abonnés de SFR.
Rien n'est donc joué dans cet accord de mutualisation. Il faut attendre le verdict de l'Autorité de la concurrence sur la plainte d'Orange et les suites données à l'accord par les deux parties.