Marconi dans le giron dEricsson
Marconi vends ses actifs et son nom à Ericsson, pour 1,2 milliards de livres. Derrière cette transaction que commenteront à foison nos confrères de la presse télécom, disparaît ce qui probablement fut la plus grande page d'histoire des transmissions. Une page dont l'écriture débuta il y a 110 ans, en 1895, lorsque le jeune italien Guglielmo Marconi parvint à mettre en application les travaux de Hertz, de Paul Langevin et tant d'autres, en transmettant un signal radioélectrique sur près de 2 kilomètres. Pas de géant à l'époque... on utilise toujours au XXI eme siècle des « antennes marconi », n'en déplaise aux gourous de l'Ethernet sans fil et des transmissions millimétriques.
Marconi créa véritablement l'entreprise qui porte son nom* en déposant, à Londres, le brevet 12039, un 2 juin de l'année1896. Ce morceau de papier décrivait le premier émetteur-récepteur de télégraphie sans fil ... Car n'oublions pas que l'invention du télégraphe de Samuel Morse utilisait un médium cuivre (exception faite du télégraphe optique Chappe.. sans fil par construction). En fait, la Wireless Telegraph and Signal Company ne vit réellement le jour qu'en 1897. Il faudra attendre 1900 pour que le nom de ce futur Prix Nobel soit associé à l'entreprise, la Marconi's Wireless Telegraph Company. A l'époque, les R&D étaient un joyeux mélange de génie et de bricolage, en témoigne cette photo de décembre 1901 montrant l'équipe Marconi lançant un cerf-volant pour tendre une antenne long-fil destinée à émettre sur de « grandes distances »... Les rares survivants ayant tenté ce genre d'expérience n'ont jamais oublié, depuis, ce qu'est une décharge de statique.
Mais toute l'histoire des premières heures de la radio -transmission ne peut se résumer à de telles Images d'Epinal. L'aiguillon du travail et de la recherche pure, le démon de l'élaboration de théories n'ont jamais abandonné Marconi. Des ondes longues des premières heures, il est ensuite passé aux travaux sur les ondes ultracourtes, et a même jeté les bases de la géolocalisation radio. En une vie, ce géni, à la fois inventeur et chevalier d'industrie, est passé des fréquences kilométriques à ce que l'on appelle aujourd'hui les « hyper ».
Si Ericsson n'est pas non plus tombé de la dernière bulle (l'entreprise affiche sensiblement le même age que Marconi), sa préhistoire est tout de même moins homérique que celle de l'italo-anglais. Peut-être est-ce dû au fait que le Suédois a assis sa fortune sur la téléphonie terrestre, domaine totalement dénué de romantisme comparé aux premières heures des émetteurs à arc, aux pionniers du code morse, au bobineurs de postes à galène et aux tapoteurs de cohéreur de Ruhmkorff. L'histoire Marconi s'achève donc, mais dans l'honneur, recueilli par une entité dont le passé est aussi riche que le sien. Reste que les cultures d'entreprises sont tellement différentes -le monde de la radio est étranger au monde du câble- qu'il est peu probable que l'âme de Guglielmo en réchappe.
*Laissons le mot « éponyme » aux énarques, handicapés le la plume et autres héroïnes des romans de Hugo