Opérateurs télécoms : les 5 sujets qui fâchent

le 03/02/2014, par Didier Barathon, Régulation télécoms, 1175 mots

En une semaine, le monde des télécoms français a tout connu : deux mutualisations, un ministre pour renforcer l'Arcep un autre pour la « dégommer ». En fait, le secteur redéfinit les règles du jeu pour plusieurs années, un mouvement de fond qui aiguise les ambitions et les ressentiments.

Opérateurs télécoms : les 5 sujets qui fâchent

1 La mutualisation dans le fixe renforcée par l'Arcep

L'Arcep a pris deux mesures pour renforcer le déploiement de la fibre optique jusqu'à l'abonné. Deux mesures nommées en langage Arcep, une décision et une recommandation. La décision retire 43 communes de la liste initiale des communes denses. Ce ne sont plus 148, mais 106 communes qui sont considérées en zones très denses. Dans ces zones, la concurrence doit suffire à déployer le FttH, dans les autres, la mutualisation est obligée pour atteindre des zones forcément « moins rentables ». L'Arcep a donc constaté que le FttH ne se déployait pas suffisamment dans certaines zones qualifiées de « très dense » elle les affecte donc dans la catégorie où la mutualisation est obligée.

En complément à cette décision sur le schéma d'ensemble du déploiement de la fibre, l'Arcep a adopté une recommandation. Elle concerne les immeubles  de moins de 12 logements ou à usage professionnel, situés en zones très denses. Elle recommande une taille minimale de points de mutualisation mono-fibre de 100 lignes. Une mesure qui devrait éviter, qu'en zones très denses, de petits immeubles ou bâtiments soient peu ou mal desservis.
Ces mesures complètent la décision initiale prise par l'Arcep en 2009 sur la définition des zones très denses, introduisant ce qu'on appelle « la concurrence par les infrastructures ».

2 Les bailleurs sociaux vont-ils s'y retrouver ?

Toujours prompte à réagir, l'Avicca n'a pas manqué de commenter et d'éclairer la double mesure prise par l'Arcep. Elle l'a fait en introduisant une question très pratique : comment s'y retrouver dans les architectures en zones denses ?  Et de remarquer qu'on en dénombre actuellement quatre : 

. multi-fibres dans les immeubles d'au moins 12 logement/locaux "hors poches de basse densité" et dans les communes où les immeubles sont accessibles via un réseau d'assainissement visitable ;
. multi-fibres dans ces mêmes poches, pour les immeubles plus petits, s'ils sont desservis par des points de mutualisation en chambre, façade ou borne ;
. mono-fibre, dans le même cas, mais s'ils sont desservis depuis des armoires de 100 lignes ;
. mono-fibre dans les poches de basse densité, avec des points de mutualisation de 300 lignes.

On n'aura garde d'oublier le cas des zones moins denses avec du monofibre en point de mutualisation de 1000 lignes avec dérogation possible à 300.

Visiblement, la mutualisation est une chose, sa compréhension en local en est une autre. « Si les opérateurs ne s'y mélangent pas les pieds, l'Avicca, dans les consultations préalables à cette décision, a souligné la complexité de cette partition pour les gestionnaires de patrimoines immobiliers importants, notamment les bailleurs sociaux ». Deuxième objection de l'Avicca, en zones très denses, les opérateurs n'ont pas d'obligation  de «complétude » c'est-à-dire de couverture totale des bâtiments.

3 La mutualisation dans les mobiles avec l'accord SFR ByTel

A la mutualisation dans le fixe (annoncée en début de semaine dernière), s'ajoute celle dans le mobile dévoilée vendredi. Attendu, spectaculaire, l'accord entre SFR et Bouygues Télécom porte sur la mutualisation de leurs réseaux mobiles, en dehors des zones très denses (où l'équipement est moins couteux à installer). Une zone regroupant 57% de la population et 80% du territoire. Ce réseau mutualisé leur permettra aussi d'aller plus vite dans l'équipement en 4G.

Chaque opérateur restera indépendant pour la commercialisation de ses offres. C'est un principe fondamental de cet accord et une exigence de l'Autorité de la concurrence. Une société commune va exploiter les sites radio mais chaque site sera installé par un opérateur. Dans les zones où agira SFR par exemple, Bouygues Télécom  n'en installera pas et réciproquement.

L'Arcep s'est félicité de l'accord. Orange et Free laissent entendre qu'ils vont le passer à la loupe pour étudier toute les voies de recours. Free a également demandé à rejoindre ce réseau mutualisé, ce que SFR et Bouygues Télécom ne semblent pas disposer à lui accorder, du moins dans un premier temps. 

4 Régulation : une ministre pour, un ministre contre

Dans ce paysage, où les opérateurs mutualisent sans fusionner, les régulateurs sont soumis à rude épreuve. Jean-Ludovic Sillicani, le Président de l'Arcep a même subi le chaud et le froid ministériel au cours de la semaine passée. Premier épisode, la ministre déléguée à l'économie numérique, Fleur Pellerin annonce mardi vouloir rétablir le pouvoir de sanction de l'Arcep, retiré par le Conseil constitutionnel au mois de juillet 2013. Une ordonnance sera prise en ce sens d'ici fin février.

Dans le même ordre d'idées, un arrêté va réguler la publicité sur les offres mobiles. Il sera pris en liaison avec le ministre de la consommation et obligera à communiquer non plus sur des débits maximum théoriques mais sur des fourchettes de débits effectifs.

Changement de registre  vendredi. Avec fracas, le ministre de l'industrie Arnaud Montebourg a entonné ses couplets favoris contre l'Arcep. On se souvient qu'en début de mandature le 1er Ministre voulait fusionner plusieurs régulateurs, en particulier le CSA et l'Arcep. Ce projet est abandonné, mais l'Arcep est toujours dans le collimateur d'un ministre. Le régulateur des télécoms y figure en excellente compagnie puisqu'Arnaud Montebourg « flingue «  également l'Autorité de la concurrence. Il les qualifie de « comités Théodule », se félicite qu'en Allemagne on passe à trois grands opérateurs au lieu de quatre (en France l'Autorité de la concurrence avait bloqué le rapprochement Free-SFR), et même, se permet de louer les ententes, quand elles sont utiles !

Cette « sortie » est-elle autre chose qu'un jeu ? Un soutien aux trois opérateurs historiques contre les régulateurs et contre Free ? Un moyen d'obtenir en échange des emplois et des engagements d'investissements ?  Le contraste est en tout cas saisissant entre les propos d'une Ministre et celui quatre jours plus tard de son supérieur.

5 L'itinérance de Free sur le réseau Orange renégociée dès 2014 ?

Le tonitruant Ministre de l'industrie ne s'est pas contenté d'attaquer les régulateurs, il a aussi pourfendu l'accord d'itinérance signé entre Orange et Free en enjoignant ces deux acteurs de commencer la renégociation dès cette année. Le contrat court pourtant jusqu'en 2018, mais le Ministre semble pressé, d'ailleurs il incite à renégocier « la phase de sortie ». On ne peut être plus clair. Il n'est pas question de négocier une prolongation même réaménagé.

Le Ministre peut vouloir obliger Free à déployer effectivement son réseau. La suspicion jetée sur cet opérateur continue, alors qu'il se défend comme un beau diable d'enfreindre  ses obligations de déploiement. L'injonction ministérielle a aussi pour but de peser sur la direction d'Orange, le mandat du Pdg d'Orange arrive à échéance fin juin, le gouvernement a donc de bonnes possibilités de pression sur lui. Toutefois, la prolongation du mandat de Stéphane Richard dépend surtout du Ministre de l'économie et des finances et remonte souvent à l'Elysée, plutôt que de rester  sur les épaules du seul titulaire de l'industrie. Il reste donc dans cette affaire, une seule certitude, Free est devenue une cible ministérielle, ce qui ne saurait déplaire à ses concurrents. C'est le vieux débat entre la concurrence et les emplois, trop de concurrence dans les télécoms (avec un 4ème opérateur mobile) aurait tué l'emploi et dégradé l'investissement. 

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