Duopole ou quasi-monopole pour le marché des entreprises ?

le 18/04/2014, par Didier Barathon, Opérateurs/FAI, 990 mots

En vendant SFR à Altice, Vivendi a déclenché une avalanche d'hypothèses, de rumeurs et  d'informations. Beaucoup de thèmes sont abordés, de conséquences soupesées, mais l'une d'entre elles reste largement dans l'ombre : la concurrence sur le marché des entreprises.

Duopole ou quasi-monopole pour le marché des entreprises ?

«La question est simple » nous explique Cyril de Metz la Pdg de l'opérateur Nerim, « sur le marché des particuliers, la concurrence est vive, pour les entreprises, c'est différent.  En dehors des très grands comptes et en dessous du seuil des entreprises de 800 à 1000 salariés, Orange détient 85% de parts de marché ». La concurrence est donc faible, la constitution d'un axe SFR-Numericable, en face d'Orange va-t-elle développer la concurrence ou au contraire l'atténuer avec un duopole ? Les conséquences ne sont pas les mêmes entre ces deux hypothèses.

La question est en fait à plusieurs volets. Elle dépend avant tout de l'état d'esprit qu'insufflera Altice aux équipes entreprises de SFR-Numericable, c'est-à-dire à SFR Business Team et à Completel. Le délai d'intégration est une autre clé, sachant qu'Altice veut à la fois faire des économies et ne pas licencier ou sous-traiter. Donc obtenir rapidement des économies. Patrick Drahi a cité le système d'information et le nombre d'offres comme étant des sources possibles d'économies. Il a également publiquement  relevé le faible dynamisme de la partie entreprise de SFR ces dernières années... Et il n'a encore rien dit sur le recouvrement entre les plaques de SFR et celles de Numericable ou de Completel (qui déclare donner accès à la fibre optique dans plus de 700 villes de France). De cette réorganisation, managériale et technique dépendra l'état du marché des télécoms d'entreprises en France pour les prochaines années.

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Les risques d'un duopole sont d'autant plus forts qu'Orange pâtirait peu du rapprochement entre SFR et Numericable, expliquait en début d'année la société de bourse Oddo dans une projection sur la recomposition du secteur en France. Pour elle, Orange perdra quand même le bénéfice des revenus du dégroupage de SFR. C'est 250 millions d'euros par an. Les clients de SFR migrant vers la boucle locale Numericable. Inversement, la guerre des prix menée par SFR devrait s'atténuer. Pour Bouygues, la conséquence est également importante, il est lié à Numéricable pour passer sur la boucle locale du câble. Bouygues Télécom se lancera-t-il plus fortement dans des investissements pour se doter d'un réseau en fibre optique ?

L'autre volet concerne la complexité même du marché des entreprises.  Le marché français est très segmenté remarque Antoine Fournier, directeur adjoint stratégie et économie de Colt : les grands comptes, les entreprises qui ont une activité même limitée à l'international, les PME. Ces dernières, dans la partie TPE et petites PME, étant sensibles aux offres de type box, proposées par Free qui réplique ses offres pour les particuliers. Une segmentation couperet. Les grands comptes internationaux sont soumis à une forte concurrence de grands opérateurs internationaux, soit venue des « historiques homologues d'Orange, soit de spécialistes (comme Vérizon ou Colt par exemple).

Les offres « wholesale »

Mais dès que l'on quitte le domaine des grands comptes, la concurrence est faible. C'est justement là que veulent se développer des opérateurs de quelques millions ou dizaines de millions d'euros de CA annuel. Leur concurrence avec Orange ou avec le duopole se fait de plusieurs manières. En apparence sur les offres.  Mais pour constituer ces offres, encore faut-il disposer ou accéder à un réseau. Ils dépendent donc des offres « wholesale » des grands opérateurs (avant tout du futur duopole) capables d'irriguer toute la France et du développement du FTTH et de la fibre par ces grands opérateurs.

Sur le FFTTH les règles sont claires. Mais sur la fibre optique se pose la question de son dégroupage éventuel. La balle est renvoyée au régulateur qui selon nos interlocuteurs tarde à se prononcer et à fixer un cadre. De ce cadre dépend pourtant la vitalité de ce marché des entreprises, la qualité de la concurrence, sans doute aussi l'existence même des opérateurs alternatifs, sur le marché des PME au sens large. « Nous pensons que ce dégroupage fibre, à partir de la fin 2014 devrait amener une dynamique commerciale identique à celle observée sur le marché des particuliers, souligne Antoine Fournier. L'incertitude est donc forte, sur la capacité du duopole à installer du très haut débit et sur la régulation de la fibre optique (et celle du câble).

La recomposition a déjà existé

Il faut écouter Yves le Mouel directeur général de la Fédération française des télécoms pour relativiser la période actuelle (il s'exprimait lors d'une table-ronde organisée par l'opérateur Legos). Pour lui, la recomposition s'est déjà manifestée. En 2007, existaient Cegetel, Telecom Italia aujourd'hui disparues et pourtant grandes figure du secteur. Plusieurs têtes d'affiche des FAI ont disparu corps et biens comme AOL, Worldcom, Club Internet. Ils ont pourtant ouvert le marché. Aux Etats-Unis, le mythique AT&T s'est séparé en 7 sociétés, les fameuses baby bell que le régulateur l'avait obligé à créer. Aujourd'hui c'est l'inverse, le marché a fait que des 7 il ne reste que 2 acteurs : AT&T lui-même et Verizon. Un retour à la case départ.

Le marché est donc soumis à des cycles, technologiques ou quasi technologique avec la fameuse convergence ou l'impact du mobile, ou bien concurrentiel  et l'on songe au tsunami  Free Mobile. La chute des prix est d'ailleurs une thématique violente pour les opérateurs. « Pour les trois grands opérateurs qui font 90% du marché, témoigne Yves Le Mouel, le CA  a baissé de 16%, la rentabilité (marge Ebitda) de 26%. «Aucun autre secteur n'a subi une telle baisse des prix, et pourtant c'est 7 milliards d'investissements chaque année que réalisent les opérateurs télécoms ». Entendez les « grands » opérateurs qui n'aiment pas se laisser mettre en cause et ont suffisamment d'arguments pour demander des garde-fous et une atténuation de cette concurrence qui érode leurs marges. L'esprit entrepreneurial, celui d'un Free Mobile ou d'un Altice-Numericable, vient bousculer leurs positions. Pour leur part, les opérateurs de petite ou moyenne taille resteront probablement encore longtemps sans réponse sur un éventuel duopole et sur le développement et la régulation de la fibre optique.

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