La commission européenne peine à convaincre sur le marché unique des télécoms

le 24/06/2013, par Jean Pierre Blettner, Régulation télécoms, 1108 mots

Au centre des critiques, un représentant de la commission européenne a défendu sa vision du marché unique des télécoms. Il s'exprimait lors du forum organisé par les Echos, le 11 Juin. Les enjeux sont colossaux pour les opérateurs. 

La commission européenne peine à convaincre sur le marché unique des télécoms

Le Forum des télécoms, organisé par les Echos le mardi 11 Juin, a été l'occasion d'un débat tendu sur le marché européen unique des télécoms tel qu'il peut être vu par la commission européenne, les opérateurs télécoms, les experts et l'Arcep, le régulateur français.

Tout est parti de la volonté manifestée par la commission européenne d'abolir le roaming mobile en Europe, une manière de concrétiser le marché unique européen selon elle. Cela a déclenché une levée de boucliers tant côté opérateurs que gouvernement et régulateur en France. « Faut-il abolir le roaming ? Il faut être prudent. Si on décrétait l'abolition du roaming, on aurait immédiatement 300 opérateurs en concurrence frontale. Il y aurait beaucoup de morts » a prévenu Benoît Loutrel, directeur général de l'Arcep lors d'une table ronde.

Les consommateurs en effet prendraient leur forfait dans le pays où il est le moins cher. Or, les opérateurs n'ont pas les mêmes obligations de couverture selon les pays. Il ajoute « l'abolition du roaming doit être un résultat du marché unique européen et non un moyen d'y parvenir. »

Quant à Yves Le Mouël, directeur général de la Fédération française des télécoms, fervent représentant des opérateurs télécoms, il estime que « le consommateur ne doit pas être le seul enjeu du marché unique des télécoms européen. Ce doit être aussi gagnant pour les géants du net européen, les futurs fournisseurs de services numériques, qui aujourd'hui ne peuvent pas exister. »

On ne peut pas abolir le roaming du jour au lendemain ...



On ne peut pas abolir le roaming du jour au lendemain

Le représentant de la commission européenne, Gérard de Graaf (Photo) a rassuré Yves Le Mouël, durant le débat puisqu'il a annoncé que l'abolition du roaming « n'est pas le noyau dur » de l'approche de la Commission. « Nous sommes conscients que nous ne pouvons pas abolir le roaming du jour au lendemain. Nous regardons comment donner une impulsion à cette approche » a déclaré Gérard de Graal.

Alors quelle forme pourrait prendre ce marché unique européen ? Il s'agit de créer des synergies entre les opérateurs. La fragmentation du marché est un frein. « Nous avons aboli les monopoles mais nous n'avons pas un seul marché unique mais 27 marchés nationaux » reconnait le représentant de la commission européenne. Il constate que le secteur des télécoms en Europe n'est pas assez dynamique. Les développeurs d'application en souffrent. Exemple, l'Europe est à la traîne sur la 4G, loin derrière les Etats Unis et l'Asie, dit-il.  

« Comment assurer un cadre réglementaire plus propice pour assumer les opérations à l'échelle européenne? Il faut une certaine harmonisation entre les régulateurs européens. Il faudrait des règles plus similaires. Ce serait un vrai pas en avant vers un marché unique" pointe-t-il. 

Et de donner en exemple le fait qu'il y a 15 états membres où la 4G n'est pas encore lancée. "Il y a ainsi un décalage de 6 à 7 ans entre le premier et le dernier opérateur 4G » constate Gérard de Graaf, de quoi compliquer sérieusement la régulation globale.

Il a également tenu à défendre l'approche consumériste de la commission face à Yves Le Mouël qui trouve que le consommateur français ne peut pas tout avoir, les plus bas prix et la meilleure qualité de service. « Il s'agit d'élargir le gâteau via l'innovation. Il faut toujours mettre le consommateur au coeur des opérations" estime Gérard de Graaf. 

Les opérateurs voient la consommation comme une menace ...



Les opérateurs voient la consommation comme une menace

Il poursuit : "les opérateurs télécoms voient la croissance de la consommation comme une menace, cela me surprend toujours" a-t-il d'abord constaté. Puis, il a rappelé la position de l'Europe : "Nous, nous voulons faire croître le gâteau. Mais il est vrai que nous sommes dans une phase évolutive. Les revenus de la voix diminuent, et les opérateurs n'ont pas encore trouvé comment valoriser la donnée. Si les opérateurs répondent aux demandes des consommateurs, cela donnera un surplus à l'économie.  »  

Ce qui n'a pas du tout rassuré Yves Le Mouël : « En France, le gâteau a diminué de 2 milliards d'euros en matière de chiffre d'affaires en 2012.  Et la tendance est la même sur le début de cette année. Nous n'avons pas peur de la consommation, mais il faut investir. Les opérateurs ont investi 10 milliards d'euros pour l'achat des licences 4G. Cela ne pourra pas durer. Nous voulons un cadre favorable à l'investissement » a-t-il martelé.

La création du marché unique européen des télécoms semble en tout cas difficile à réaliser via la consolidation des acteurs. Les synergies à l'échelle intra européenne apparaissent limitées. Pour preuve, la stratégie de Téléfonica qui s'est endetté avec le rachat de O2 a rappelé Steven Perrin, associé chez PWC en charge des transactions télécoms. « Les synergies pour les opérateurs pan européens sont très minimes » confirme Gérard de Graaf.

Il pense qu'elles seront meilleures s'il y a une harmonisation entre pays en particulier pour l'usage du spectre radio et les marchés publics. Le représentant de la commission européenne se veut le porte parole de stratégies offensives. « Il faut une vision dynamique et non une vision défensive. Il faut faire face par l'innovation aux OTT [NDLR : Over The Top, c'est à dire Google, Apple ou Amazon]. On est parfaitement capable de faire face et d'offrir de l'innovation. Il faut plus de confiance. De plus, les autorités nationales ne vont pas accepter la fin de la pression concurrentielle nationale » déclare-t-il.

Il voit l'avènement d'un marché unique comme facilitant la consolidation des opérateurs. « Les conséquences d'un marché unique des télécoms seront qu'il y aura moins de règles, plus de concurrence, et plus de consolidation »  pense-t-il.  Dans ce cadre, un super régulateur n'est pas la solution.

La boucle locale ne se régule pas depuis Bruxelles ...



La boucle locale ne se régule pas depuis Bruxelles

« Le marché unique doit mener à moins de régulation, mais on aura toujours besoin d'un régulateur national. On ne peut pas gérer la boucle locale depuis Bruxelles" dit-il. Côté fiscalité, Gérard de Graaf rappelle qu'il n'en est pas responsable mais que l'on ne peut pas mettre la charge des opérateurs télécoms sur les OTT. Peut-être ces derniers peuvent-ils être via la e-privacy, suggère-t-il. 

Ce qui ne convainct pas Yves Le Mouël : « Les opérateurs télécoms veulent jouer avec les mêmes règles du jeu que les OTT, or ceux-ci fournissent des services de communication sans être régulés comme les opérateurs ! » Affaire à suivre depuis que Arnaud Montebourg ministre du redressement productif demande avec insistance à la Commission européenne de ne pas faire peser toute la régulation sur les opérateurs.  

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