Le 92 s'engage

Dossier par Valérie Larbaud, 810 mots

Même s'il passe pour être le plus riche de France, le département des Hauts-de-Seine n'engage pas moins un déploiement en fibre optique chez tous les habitants. Un objectif souligné à plusieurs reprises par Martin de Mijola, son DSI. Au plan technique, le raisonnement consiste à anticiper les limites de l'ADSL actuel : en termes de débit (même avec l'ADSL 2 ou 2+) ou de distances par rapports aux répartiteurs. Le succès actuel de l'ADSL n'interdit pas, en effet, de prévoir l'étape suivante, même dans un département si riche. Ce projet FTTH vise trois cibles. D'abord les entreprises, même bien pourvues en accès réseaux ; puis les services publics et les particuliers.
Le département dispose pourtant d'une bonne couverture en réseaux : le câble pour les particuliers dans plusieurs villes, un MAN à la Défense, des connexions internationales avec de nombreux opérateurs autour de points de présence largement disséminés. Certaines villes sont reliées à Irisé (réseau du Sipperec). Dès lors, pourquoi ne pas laisser faire les différents acteurs privés pour passer au FTTH ? Tout simplement, explique le conseil général, parce que le privé passerait à côté des immeubles les moins rentables et que «si on laisse faire le jeu des opérateurs, il faudra trop de temps pour couvrir l'ensemble du département en très haut débit». Le 92 s'engage donc à faciliter les déploiements mutualisés des différents opérateurs et à servir d'interface avec les acteurs de l'immobilier.
Reste le cas le plus médiatique, la Ville de Paris. Deux opérateurs préexistaient, Cité Fibre racheté par Free, et Erenis. Ce dernier proposant en fait, comme les réseaux câblés, un FTTH qui s'arrête au pied des immeubles. Free, lui, ne s'arrêtera pas au trottoir, mais il doit déjà y parvenir. Avant même l'annonce de Free en septembre, la Mairie de Paris avait baissé les coûts de passage par les égouts. Anecdotique en apparence, mais cela ouvrait la possibilité à un opérateur de passer par ces égouts.
L'opération menée par Free se déroule désormais en trois temps : le passage par les égouts - rôle de Draka, son sous-traitant -, la création de NRO - équivalent des NRA de l'opérateur historique - et, enfin, l'accès aux paliers et aux appartements, donc la montée et la distribution du réseau à l'intérieur des immeubles. Une fois ces étapes franchies - et aucune d'elles n'est gagnée d'avance -, il sera en position de force.
Avant de vanter les avantages de la fibre en termes de services à ses actuels et futurs clients, le pari de Free se situe là : se garder la possibilité de louer ses futurs réseaux en fibre optique aux autres opérateurs. La question n'est pas celle de la fracture numérique dans la capitale, mais de la position d'un opérateur qui distribuera le jeu de la concurrence. Le câble nourrit des ambitions voisines avec son propre réseau. Le premier arrivé sera à même de fixer les règles pour les autres.
Les dirigeants d'Iliad-Free comptent bien appliquer leur modèle parisien aux grandes métropoles. Iliad-Free, cette fois non plus en tant qu'opérateur de réseau, mais en qualité d'opérateur de services avec ses offres triple play, et d'autres opérateurs devraient pouvoir louer les fourreaux en fibre installés par les collectivités. C'est déjà le cas à Nantes-Métropole, où la communauté d'agglomération lance des appels d'offres en ce sens. D'autres devraient suivre. Mais pas dans des collectivités de taille inférieure.

Effet d'entraînement

Si, pour certains, le FTTH semble trop limité à Paris et aux métropoles, et donc accentuer la fracture numérique, d'autres parient sur un effet d'entraînement. «Une bonne coordination sur Paris peut amener de trois cent mille à cinq cent mille foyers connectés en fibre hors de Paris, estime Stéphane Lelux. Il faut pousser les opérateurs à partager au maximum leurs réseaux, même en dehors de Paris. L'effet d'entraînement sera décisif.»
Le projet de Free et l'ouverture des fourreaux de certaines métropoles pourraient faire naître un besoin national. Les deux grands timides de l'épreuve, France Télécom et Neuf Cegetel, pourraient sans doute apporter leur obole. Celle de France Télécom est, pour l'heure, annoncée comme étant trois fois inférieure au plan de financement proposé par Free (1 milliard d'euros). D'ici à la fin 2008, France Télécom projette néanmoins d'installer un million de prises raccordables en FTTH et d'obtenir deux cent mille clients.
Ces initiatives privées demandent à être confirmées dans les faits. Elles laisseront alors trois ou quatre cercles possibles : celui des heureux détenteurs d'accès FTTH, ceux de l'ADSL plus ou moins haut débit et, enfin, les habitants des zones blanches, en principe pourvus d'accès Wimax. En l'état actuel des projets FTTH, la fracture semble devoir se creuser, à partir d'une fracture déjà présente en ADSL. «Les opérateurs privés font leur métier en se déployant en fonction de leur rentabilité, commente Jean-Michel Billaut, inlassable promoteur de la fibre optique, mais je n'ai jamais entendu de politiques se saisir du sujet ; en période électorale, on est censé parler de grands projets, non ?»

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