La fusion

Dossier par Eddye Dibar , 657 mots

C'était prévisible. La fusion entre Alcatel et Lucent entraîne la suppression de douze mille cinq cents postes, y compris en R&D. Employés et politiques se heurtent à une direction inflexible, qui ira au bout de la restructuration.

La fusion Le 1er décembre 2006, le Français Alcatel et l'Américain Lucent consommaient leur mariage. Le nouveau groupe dispose aujourd'hui d'une force de frappe plus importante, crée des synergies technologiques et bénéficie de deux bases de clientèle qui ne se recouvrent pas. Cette fusion permet aux deux équipementiers de faire face ensemble à une concurrence asiatique (Huawei et ZTE) agressive, d'une part, et aux mastodontes occidentaux (Cisco, Ericsson, Nokia-Siemens) du secteur des réseaux et des télécommunications, d'autre part.
Cette union est donc une question de survie... au sens des deux entreprises. Car, rapidement, les actionnaires d'Alcatel comme ceux de Lucent ne voient pas ce rapprochement d'un très bon oeil. En juillet 2006, quatre mois après l'annonce officielle de la fusion, Serge Tchuruk, alors PDG d'Alcatel, doit rassurer la place boursière sur la relutivité de l'opération. En effet, les avertissements de Lucent sur ses résultats plombent la valeur du titre du Français.

Une procédure contre Lucent

Quelques semaines plus tard, une partie des détenteurs des titres de Lucent engagent une procédure juridique aux Etats-Unis, à l'encontre de l'équipementier américain. Motif : le projet de fusion ne crée pas assez de valeur à leurs yeux. Finalement, Lucent calme le jeu en signant un accord avec les actionnaires mécontents. Les conditions financières n'ont pas été divulguées.
De leur côté, les salariés font grise mine. Le projet de fusion prévoit en effet une réduction d'effectifs de près de neuf mille personnes en vingt-quatre mois. Le jour de la naissance officielle d'Alcatel-Lucent, ses dirigeants confirment ce chiffre. La CFDT estime alors que le sureffectif concerne plus de mille personnes en France. Les sites de Rennes (deux cent dix emplois impactés) et de Lannion (deux cent dix-sept emplois) en Bretagne, qui hébergent deux importants sites de R&D, seront les plus touchés.

La baisse d'activité n'arrange rien

Pendant que son personnel s'agite, Alcatel-Lucent rachète les activités de Nortel dans les équipements radio d'accès au réseau UMTS, pour 320 millions d'euros. Certes, cette acquisition permet au Français de devenir le numéro trois du secteur, derrière Ericsson et Nokia. Certes, il étoffe ses équipes de mille sept cents personnes, dont mille cent ingénieurs en R&D. Mais, là encore, les syndicats s'inquiètent. A juste titre : fin janvier, Alcatel-Lucent annonce de piètres résultats. Le chiffre d'affaires est en chute de 16 % par rapport à l'année passée. Le résultat net est, quant à lui, divisé par trois, à 522 millions d'euros.
Pour compenser, Alcatel-Lucent déleste de plus belle et décide de se séparer de trois mille cinq cents collaborateurs supplémentaires. Ainsi, douze mille cinq cents personnes, dont mille cinq cents en France, seront remerciées au cours des trois prochaines années. Ces coupes franches toucheront les sites de production et la R&D.

Mobilisation salariale et politique

Dès lors, employés et syndicats intensifient leur mobilisation et demandent le gel du plan social. Le 15 mars, ils sont trois mille selon les syndicats et la police, cinq mille selon la CGT, à exprimer leur colère dans les rues de Paris. La situation prend une proportion telle que la classe politique s'en mêle. Alors qu'Alcatel-Lucent et SFR viennent d'être retenus pour déployer et maintenir quatre cents points d'accès Wi-Fi à Paris, les élus communistes de Paris exigent la suspension du marché, remettant en cause la citoyenneté de l'équipementier. En vain : le marché est maintenu. Par ailleurs, le gouvernement, qui souhaite la suspension du plan social, a mis en place un groupe de travail sur l'avenir des télécoms en France.
En attendant, la place peu à peu laissée libre par Alcatel-Lucent à Lannion n'aura pas le temps de refroidir. Huawei, son concurrent chinois direct, installe un centre de R&D dans la région. En France, il prévoit de passer de cent cinquante à cinq cents personnes d'ici trois à cinq ans.

Sommaire du dossier