Entretien : Vers une intégration native des fonctions communicantes

Dossier par Pascal Sage, 708 mots

Consultant chez Arcome (groupe Solucom), cabinet de conseil spécialisé dans les télécommunications, Guillaume Calligaro
a mené plusieurs missions sur le marché des données d'entreprises et a étudié les secteurs d'activités clés du M2M : gestion de flottes, utilities, télésurveillance, santé, maintenance et télépaiement.

Quelle est votre perception du marché M2M ?

Guillaume Calligaro : Je m'attends à un décollage prochain du marché, car les besoins existent et sont maintenant clairement formulés. En réalité, les communications entre machines existaient déjà depuis longtemps sur réseau filaire, via le réseau téléphonique commuté. Mais le développement d'offres M2M sur GSM et surtout sur GPRS donne un nouveau souffle au marché en permettant de nouveaux usages, comme la gestion de flotte dans les transports par exemple. Il reste cependant quelques freins à lever, notamment en ce qui concerne les coûts du hardware : ils sont encore élevés et posent le problème du retour sur investissement, qui n'est pas toujours évident à démontrer.

Qu'est-ce qui caractérise un projet M2M réussi ?

G. C. : Une démarche commerciale ne rencontre le succès qu'après un long remue-méninges. Pour bien positionner une offre, il y a une étape préalable indispensable de compréhension des besoins métiers. Les projets font intervenir des acteurs différents. Dans les transports, par exemple, un intégrateur, un constructeur et un opérateur doivent collaborer. Chacun doit savoir précisément où se positionner dans cette chaîne de services. Dans 95 % des cas, il s'agit de projets de communication de données. Il existe quelques cas où la voix peut avoir un intérêt, comme dans la télésurveillance des ascenseurs ou lors d'un accident de la route pour déterminer les secours à dépêcher sur place.

Les offres M2M d'opérateurs sont-elles bien dimensionnées ?

G. C. : Les trois opérateurs mobiles en France proposent des offres M2M dans leur portefeuille data. Le revenu moyen par ligne est relativement faible comparé à celui généré par une ligne de téléphonie mobile classique. Il faut compter environ 10 euros par mois pour un forfait de 5 Mo, alors que l'Arpu moyen en France est proche de 40 euros par mois pour le grand public. Les opérateurs espèrent se rattraper sur les volumes conséquents à venir, ainsi que sur la durée en général assez longue des contrats.

Y a-t-il adéquation entre l'offre et la demande ?

G. C. : Les offres M2M d'opérateurs mobiles peuvent paraître surdimensionnées. Dans de nombreux cas, le trafic échangé par la machine connectée est bien inférieur aux forfaits moyens proposés par les opérateurs : le trafic généré par un horodateur, par exemple, est inférieur à 1 Mo par mois.
Concernant le haut débit mobile, peu de secteurs en ont réellement besoin. L'Edge et l'UMTS ne vont donc pas révolutionner le marché du M2M.
Autre point, les tarifs d'itinérance internationale des données demeurent exorbitants : il faut compter plus de 10 euros par mégaoctet transmis en roaming, ce qui freine les projets paneuropéens. Certes, France Télécom propose des offres tarifaires homogènes sur un certain nombre de pays européens, ce qui peut se révéler intéressant, notamment pour les transporteurs internationaux. Mais les tarifs des opérateurs, dans ce domaine, restent globalement très élevés.

Les projets sont-ils toujours spécifiques ?

G. C. : Le marché du M2M est encore structuré verticalement, avec des spécificités fortes liées au secteur d'activité. Dans les transports, les utilities, la distribution automatique ou la télésurveillance, on constate des chaînes de valeurs et des acteurs distincts. Du côté des fournisseurs, seuls les fabricants de modules de communication (Wavecom, Siemens) et les opérateurs mobiles adressent le marché de manière transverse. Les intégrateurs, qui tiennent un rôle clé dans ces projets, ont généralement un ancrage sectoriel fort. Du côté des entreprises utilisatrices, certaines disposent de ressources internes en recherche et développement suffisamment compétentes pour développer elles-mêmes les fonctionnalités communicantes de leurs machines. Mais ces cas restent rares aujourd'hui. La plupart ont recours aux intégrateurs qui viennent insérer un module communicant à un machine existante : Konica Minolta, pour son projet visant à faire payer les copies à l'usage, intègre ainsi un module M2M en seconde monte. Dans quelques années cependant, il est probable que les machines intégreront en natif les fonctionnalités communicantes grâce à des développements sur les OS embarqués. A cet égard, les éditeurs de logiciels spécialisés dans l'informatique industrielle auront un rôle majeur à jouer dans la chaîne du M2M.

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