La délicate question des standards

Dossier par Christophe Bardy, 578 mots

Malgré les discours des constructeurs sur le support des standards, notamment SIP, et sur leur souci d'interopérabilité, force est de constater que la plupart des projets de téléphonie s'appuient encore aujourd'hui sur les protocoles propriétaires des constructeurs.
Se lier à des protocoles propriétaires est pourtant une erreur, estime Dominique Grossi, consultant technique HP Procurve, surtout lorsqu'ils affectent aussi le choix de l'infrastructure LAN. "Si la ToIP est une application comme les autres, il n'y a pas de raison pour être contraint de se tourner vers un fournisseur unique. Pour nous, la question de l'infrastructure doit être séparée de celle du call manager, qui relève plutôt du serveur et du logiciel. Aujourd'hui, on conseille aux clients de se positionner sur des standards, ce qui était un discours plus difficile à tenir il y a deux ans. [...] Nous soutenons ainsi SIP, mais aussi des protocoles comme LLDP (pour la découverte des postes) et son extension MED (Media EndPoint Discovery) pour leur autoconfiguration, plutôt que des implémentations propriétaires comme CDPv2 de Cisco. Nous préconisons aussi Diffserv pour la gestion de la QoS... Nous travaillons beaucoup sur ces protocoles avec des partenaires comme Avaya ou Aastra Matra."

Mais le débat dépasse l'infrastructure notamment lorsque l'on aborde le sujet de SIP avec les grands équipementiers télécoms. Ces derniers sont passés maîtres dans le double langage vantant, d'un côté, leur support du standard et, de l'autre, la plus grande simplicité de leurs protocoles propriétaires ou leur plus grande richesse fonctionnelle.

SIP : un pas en arrière, deux pas en avant

La situation est sans doute bien résumée par Frédéric Trouche, d'Hub Telecom : "On ne croit pas tellement à l'interopérabilité telle que la professent les constructeurs. Quand on analyse les discours des grands offreurs de solutions sur SIP, par exemple, on se rend compte qu'ils ne proposent que l'interopérabilité sur des fonctions de base. Les protocoles propriétaires continuent à régner et l'on est presque comme en numérique. Pour l'instant, nous croyons peu à l'interopérabilité, et l'on s'oriente vers des choix plutôt homogènes."
Chez Telindus Arche, Laurent Auzély fait remarquer que "si le virage vers SIP se fait, la réalité est encore largement propriétaire. Les conditions de licence SIP, notamment, découragent les clients de passer outre les solutions des constructeurs (lesquels facturent des surcoûts de licence aux clients qui utilisent des postes SIP tiers, annihilant ainsi l'intérêt de la pratique, ndlr)."

Même constat chez Amec Spie, où Aude Launay, responsable de l'offre ToIP de Spie Communications, constate que, "à ce jour, la pratique de la ToIP en France est largement le fait de protocoles propriétaires". Aude Launay note toutefois que cette situation ne saurait être éternelle, surtout avec l'intégration croissante de la ToIP avec de nouvelles applications de communications convergentes : "On observe un vrai changement pour les applications de travail collaboratif, de gestion de présence, avec la propagation de SIP. Cette adoption d'un protocole ouvert devrait faciliter la banalisation de la téléphonie dans les applications."
En fait, pour les clients, l'intérêt est de résister à la pression des constructeurs en faveur de leur protocoles propriétaires et de pousser à l'adoption d'un protocole ouvert, en l'occurrence SIP, afin de profiter à terme des possibilités d'intégration simplifiée qu'il offre. Il est vrai que les protocoles propriétaires ne devraient pas pouvoir résister éternellement à la montée en puissance de SIP, qui est en cours d'intégration ou déjà intégré aux applications de géants tels que Microsoft, IBM ou Oracle et qui bénéficie aussi du soutien d'une multitude d'acteurs de l'Open Source...

Sommaire du dossier