Consommation électrique : la virtualisation impose de remanier les salles informatiques

Dossier par Kareen Frascaria, 1291 mots

La mutation vers des centres informatiques de nouvelle génération moins consommateurs en énergie est entamée. L'évolution est devenue indispensable face à la virtualisation massive de serveurs de plus en plus puissants.

Ça chauffe dans les salles informatiques. Il devient urgent de maîtriser une consommation électrique en croissance exponentielle. "Avant de sauver la planète, la démarche aura l'avantage de réduire la facture de façon conséquente, et ça c'est une priorité", affirme François-Xavier Rousselin, DSI de la société de marketing ETO.

Soucieux de réaliser des économies, il a opté pour la virtualisation d'une centaine de serveurs sur des machines en lames, aux processeurs peu gourmands en énergie, ainsi que pour la virtualisation de son stockage.

Cette virtualisation convainc aussi les adeptes du Green IT. "Notre premier challenge en matière de Green IT, a été de faire des économies d'énergie dans notre centre de données", décrit Olivier Parcollet, chef de projet à la Société des Transports de l'Agglomération Orléanaise (SETAO), qui opère un réseau de bus et de tramways. La DSI a investi dans trois serveurs puissants (des bi-processeurs quadri-coeurs) afin de virtualiser trente « vieux » serveurs bi-processeurs, via VMware ESX et Xen. « Là où nous consommions 28 kW sur 30 serveurs, nous ne consommons plus que 8 kW sur 3 machines, se félicite Olivier Parcollet.

Pour l'heure, la rénovation de l'infrastructure de la SETAO s'est arrêtée là, et la DSI conserve ses postes de travail, des PC, tels quels. "Il faut être pragmatique et rechercher un équilibre entre nos besoins et le retour sur investissement", justifie le chef de projet. C'est que la virtualisation représente un investissement non négligeable. "Cela oblige à acheter des équipement plus chers et plus performants. Mais si on voulait garder tous les anciens équipements, cela coûterait plus cher en maintenance et en consommation électrique", estime François-Xavier Rousselin.

Si l'adoption de la virtualisation réduit la facture globale d'électricité côté serveurs, en revanche, elle concourt à un phénomène préoccupant : l'accroissement de l'énergie consommée au m2. "Un client moyen consommait 500 Watts au m2, il y a dix ans, depuis, cette consommation a été multipliée par cinq", constate Fabrice Coquio, directeur de l'hébergeur Interxion. Et pour l'entreprise, le coût de l'énergie a grimpé de 10% de sa facture d'hébergement, à 20% ou 25%.

La tendance n'est pas prête de s'inverser. Les machines sont de plus en plus puissantes et gourmandes en énergie. "On commence à atteindre les limites. Même avec un investissement conséquent, il sera impossible de concentrer la puissance électrique d'une ville dans un bâtiment de 10 000 mètres carrés", prévient Fabrice Coquio. Et qui dit plus de consommation électrique dit plus de chaleur et donc la nécessité d'un refroidissement supérieur.

Souci supplémentaire : les machines virtuelles peuvent être déplacées d'un serveur à un autre. La consommation électrique et la génération de chaleur évoluent donc dynamiquement dans les salles. Moduler les capacités de refroidissement, selon les besoins, devient nécessaire. Un fournisseur tel qu'APC propose le couplage de la source de chaleur à la climatisation. On raccourcit le chemin nécessaire à l'air froid pour atteindre les serveurs et on évite les mélanges entre air chaud et air froid. Stéphane Duproz, directeur de l'hébergeur TelecityGroup, confirme que la climatisation est un enjeu majeur. "On considère que pour 1 kW consommé par les machines des clients, 1 kW est consommé par l'installation, principalement pour la climatisation ". Le remède ? "Une climatisation de nouvelle technologie, le relèvement de la température de soufflage, et l'optimisation des flux d'air froid ". L'efficacité peut ainsi être améliorée de 20% à 25%.

L'hébergeur Internet.fr, pour sa part, a retenu le principe de la baie auto-réfrigérée pour son centre de Massy, construit en 2007. "Quand il y a des variations importantes de température, cela implique des variations conséquentes pour la climatisation. Jadis, on plaçait la climatisation soit en faux plancher soit en faux plafond, et on traitait l'ensemble de la pièce. Certaines lames, en fin de circuit, étaient donc refroidies avec un air réchauffé par les autres lames", décrit Dominique Morvan, directeur d'internet.fr. A Massy, les baies sont jointives avec une propulsion d'air froid lame par lame, l'air étant refroidi étage par étage grâce à un système à base d'eau glacée. C'est le principe du 'à chacun selon ses besoins'. De plus, l'air récupéré est recyclé pour n'être refroidi que de ce qui est nécessaire avant d'être réinjecté dans le circuit.



Autre cas, la banque Barclay's mise sur la technologie Dynamic Smart Cooling de HP afin de mieux diffuser la climatisation de son nouveau centre informatique de Gloucester (Grande Bretagne), et d'économiser 13% d'énergie. Mais pour une entreprise, transformer sa salle informatique selon ces nouvelles règles constitue un investissement important, et certaines y renoncent. "Cela entraîne une vague vers l'externalisation", ajoute Fabrice Coquio.

Les entreprises bénéficient toutefois de technologies afin de réduire la consommation électrique. Si les DSI sont devenus - à juste titre - méfiants face aux fournisseurs qui se sont tous découvert la fibre verte, on retiendra certaines avancées. Ainsi, Intel et AMD proposent des processeurs puissants, mais à basse consommation. Pour les processeurs gravés en 45 nm, AMD a choisi le SOI (Silicon On Insulator), et Intel a retenu le Hafnium et le Metal (high-k). Les constructeurs de serveurs prônent les châssis en lames de nouvelle génération, maîtrisant mieux la consommation électrique, surtout avec des machines virtualisées. La consommation serait réduite d'un tiers selon HP. Côté stockage, les systèmes les plus récents absorberaient 25% d'énergie en moins.

Enfin, on n'améliore que ce que l'on mesure. Christophe Corne, directeur de dotgreen, prestataire de services Green, propose d'analyser l'existant selon quatre indicateurs : le Megaflop par Watt qui donne la puissance de l'infrastructure serveurs selon sa consommation ; le To par Watt qui mesure le coût du To en kilowatt ; le Coefficient de performance (COP) qui établit le ratio entre l'énergie électrique en entrée et la chaleur dégagée en sortie ; et la facture énergétique : que le DSI ne connaît généralement pas car l'information est souvent chez les services généraux.

Dotgreen cite l'exemple du CHU de Soissons, pour lequel il a dressé un bilan énergétique. Il a simulé les bénéfices d'une architecture virtualisé. Le nombre de serveurs virtuels, leur mobilité, l'application virtualisée, impactent la consommation électrique. Un tableau de bord a été établi permettant de suivre dans le temps l'évolution des métriques et d'évaluer le taux de dégagement de CO2 et de voir sa progression au cours du temps.

Le consortium Green Grid propose un autre indicateur, le PUE (Power Usage Effectiveness), qui mesure l'efficacité énergétique du centre informatique (ratio de l'énergie consommée par le centre informatique sur l'énergie consommée par les équipements informatiques). « La moyenne est de 2 ou 2,4. Arriver à 1,7 est tout à fait réalisable, et en dessous de 1,4, c'est une performance, termine l'institut Gartner.

Un exemple de refonte de salle informatique est le cas de l'infrastructure de la mairie de Chelles. Le DSI a retenu des serveurs massivement virtualisés, un réseau de stockage SAN redondant et un site de secours répliqué en temps réel. Cela a permis de réduire les besoins en climatisation, les coûts de maintenance, la consommation électrique, et le recyclage à terme des serveurs. En ce qui concerne les postes de travail, des clients légers ont été installés. "Nous avons évolué depuis des PC qui consomment entre 250 à 300 Watts vers un boîtier qui ne consomme que 5 Watts", précise René-Yves Labranche, DSI de la Mairie de Chelles. Le client léger a permis de faciliter les déploiements et la supervision du parc. De plus, les écrans cathodiques ont été remplacé par des écrans plats, ce qui a divisé la consommation énergétique par trois. Une partie des deux salles informatiques de la Mairie a été remise à jour mais cela reste insuffisant et un troisième centre informatique prévu en 2009 qui intégrera mieux les besoins environnementaux. Les deux salles existantes seront réactualisées en 2009 et 2010. La climatisation va être revue car elle n'est pas assez fiable et consomme beaucoup d'énergie.

Sommaire du dossier