Verdir les parcs de PC et d'imprimantes

Dossier par Florence Boutoille et Jean-Pierre Blettner, 1519 mots

Eco-labels, matériaux recyclables et meilleure efficacité énergétique réduisent l'impact écologique des PC et des imprimantes. Mais la priorité est de fournir aux utilisateurs des outils « verts » utiles à leur métier.

Sous la contrainte des directives européennes RoHS, WEEE ou EuP, les fabricants s'emploient à réduire l'impact environnemental des PC et des imprimantes. Les efforts portent sur la diminution de la consommation d'énergie, la réduction des matériaux toxiques, et la facilité de recyclage.

Pour l'entreprise, côté consommation, le jeu en vaut la chandelle : "Le parc utilisateur représente souvent 50% de la facture électrique du système d'information, contre 25% pour les centres informatiques", affirme Jean-Luc Couasnon, responsable de l'offre Green IT chez Accenture.

Les fabricants de PC améliorent donc l'efficacité énergétique des composants (processeurs, alimentation, disques ou cartes graphiques). Des labels soulignent les progrès réalisés. A puissance de traitement égale, un poste de travail 'vert' de dernière génération, respectant l'éco-label « EPEAT Gold », consommerait trois fois moins qu'un ancien modèle. Quant à l'exigence du recyclage, des matières moins polluantes ou plus facilement réutilisables voire bio-dégradables sont testées. Si les PC en bambou font gadget, certains fabricants tentent le bio-plastique à base de maïs ou réutilisent des plastiques issus d'autres PC usagés. Sur le PC rp5700 de HP, les substances nécessitant un traitement spécial ont été réduites ou supprimées. Par exemple, les lampes au mercure sont remplacées par des LED pour le rétro-éclairage de l'écran.


Sensibiliser les utilisateurs
Mais avant tout, il faut sensibiliser les utilisateurs et les aider à se prendre en main. "Le Green IT relance l'intérêt pour une gestion de parc plus efficace", poursuit Jean-Luc Couasnon. Première action : mettre ses PC en veille ou les éteindre le soir ou le week-end. "Des gains importants peuvent être obtenus rapidement", souligne Steve,Kleynhans, analyste chez Gartner. Il recommande plutôt la mise en veille que l'extinction, car "les utilisateurs ne supportent pas les délais de redémarrage, et que la veille ne consomme que très peu sur les machines récentes". Eviter aussi l'économiseur d'écran. La mise en veille nécessite de paramétrer les fonctions d'économie des postes de travail. "En plaçant un poste inutilisé en veille, on divise sa consommation par 2", affirme Christophe Corne, fondateur de .green, un éditeur spécialisé. Les outils de gestion de parcs forcent la mise en veille, l'arrêt et le redémarrage selon des grilles horaires ou l'activité de la machine. On trouve de tels outils chez Criston, Symantec, BDNA, Landesk, Visionsoft, .green, 1E ou chez HP qui propose Power Manager associé à Verdiem Surveyor.



Exemple probant à la banque Wamu
Outre Atlantique, la banque Washington Mutual (WaMu) optimise la gestion du mode veille de ses 44 000 PC. "Nous avons réduit de 65% les émissions de gaz à effet de serre, et nous sommes sur la voie pour économiser 3 millions de dollars d'électricité en 2008", affirme Debora Horvath, CIO de WaMu. Le logiciel Verdiem éteint les PC de bureau inutilisés et hors des plages horaires de travail. Les écrans sont éteints après 20 minutes d'inactivité et les PC passent en mode veille après 30 minutes. Autre cas, Dell a recours aux logiciels NightWatchman et SMSwakeUP de1E sur 50 000 PC en interne. Le constructeur table sur 1,8 millions de dollars d'économies par an.

Une même démarche pour les impressions
Côté impressions, la sensibilisation s'impose également. Exemple au Conseil Général du Rhône : "Il faut porter la bonne parole, réduire le nombre d'imprimantes. Il y a trois ans, il y avait 3 imprimantes pour 4 postes de travail. Nous avons stoppé l'achat de nouvelles imprimantes, d'autant que les consommables des plus anciennes n'étaient plus compatibles avec les nouveaux modèles, bien que nous n'ayons pas changé de constructeur", décrit Gilles Courbon, directeur adjoint à la DSI du Conseil Général. Dans cette démarche de responsabilisation, on fera apparaître les vrais coûts. "Les utilisateurs paient leurs consommables, on va se rapprocher encore plus des vrais prix, et cela va être plus cher. Mais en compensation, il y aura des impressions en couleur. De même, la lecture doit s'effectuer plutôt à l'écran afin de moins imprimer. Pour cela, nous avons installé des écrans plats à la place des écrans CRT, qui en outre consommaient plus", termine Gilles Courbon.



La mesure Green IT doit
apporter un plus à l'utilisateur

Mais attention à ne pas pousser des consignes telles que l'impression en recto-verso ou le mode brouillon si elles ne conviennent pas au contexte. En 2007, le cabinet d'avocats CMS Bureau Francis Lefebvre a imprimé 6 millions de pages pour 750 collaborateurs. "Ce chiffre étant en forte progression, nous avons tenté d'imposer l'impression recto-verso. Mais nous avons du revenir en arrière pour des raisons liées à notre profession", se souvient Philippe Agazzi, le DSI. Aujourd'hui, il travaille plus sur l'accompagnement et la sensibilisation, tout en soulignant : "Pour qu'une initiative « Green IT » soit adoptée, il faut qu'elle apporte un bénéfice à l'utilisateur. Ainsi, la solution de numérisation d'un document papier pour l'envoyer par email de nos copieurs (solution eCopy de Canon) est très utilisée". Philippe Agazzi gère également la consommation d'énergie des PC. "Le logiciel Interact alerte les utilisateurs qui n'ont pas éteint leur ordinateur depuis longtemps". Il va plus loin et remet en cause la course à la puissance. "Nous avons prolongé la durée de vie de 3 à 4 ans de notre parc de 500 postes". Il ajoute : "Passer de Windows XP à Vista impose de changer le parc mais n'apporte rien pour un avocat. Et la mesure la plus écologique c'est de prolonger la durée de vie du matériel. Nous ne migrerons donc pas à court terme vers Vista". Etonnamment, ce discours trouve un écho chez les constructeurs. "Le plus écologique est de prolonger les PC. Nous l'encourageons par une maintenance et une mise à jour matérielle plus facile", déclare Alessandra Calzola, responsable environnement chez Dell. Un prolongement qui va obliger les fabricants à faire évoluer également leur modèle économique.

Les éco-labels Energy Star et EPEAT
Une série d'éco-labels valorise les matériels « verts ». Au niveau énergétique, Energy Star 4.0 fait référence. Dans ce cadre, un poste de travail ne doit pas dépasser 65 watts heure en activité et 4,7 watts heure en veille (Catégorie B de la norme), et son alimentation électrique est efficace au moins à 80% (contre 40% sur des machines âgées de plus de deux ans). Le label EPEAT (Electronic Product Environmental Assessment Tool) va plus loin et englobe les aspects éco-conception, consommation électrique et recyclage. « EPEAT couvre tout le cycle de vie et commence à s'imposer pour les PC", estime Pierre Sisic responsable environnement de HP. Gartner recommande d'ailleurs d'utiliser comme critères de choix "Energy Star 4.0, avec EPEAT (Silver et Gold) et 80 Plus (NDLR : qui fait aussi partie de Energy Star 4.0)". Cependant encore peu de PC ou d'imprimantes respectent ces éco-labels. L'Epeat est un outil d'évaluation sur 51 critères, 23 obligatoires et 28 optionnels. Le niveau Gold signifie que 75% des critères optionnels sont respectés.



Des imprimantes bourrées
de nouvelles technologies

Les constructeurs d'imprimantes se concentrent sur la réduction d'énergie consommée et les déchets. Exemple : Xerox propose une encre solide sans cartouche sur sa Phaser 8560. Résultat : 96% de déchets en moins. Et comme l'imprimante n'utilise pas de four, elle consomme moins. Chez HP, la laser couleur CM1312/nfi utilise la fusion instantanée, « sans préchauffage, le four monte plus vite en température, et revient immédiatement en mode veille, décrit Pierre Sicsic, responsable environnement chez HP. En outre, certains fournisseurs fixent par défaut l'impression en recto-verso et retirent les pages vierges. Reste à vérifier que les imprimantes possèdent un mode veille et sont certifiées Energy Star. Les économies d'énergie peuvent alors dépasser 50%. Côté recyclage, la loi impose 75% de matériaux recyclés ou valorisés, et au vu du prix actuel du pétrole, les fabricants ont tout intérêt à réutiliser leurs cartouches pour en fabriquer de nouvelles. En conclusion, les imprimantes ne pèsent que 6% de la consommation électrique informatique mondiale selon Gartner, mais le papier et l'encre ont un fort impact environnemental. Il faut dix fois plus d'énergie pour fabriquer une feuille de papier que pour l'imprimer, rappelle l'Agence de Protection de l'Environnement américaine.

Prendre en compte tous
les aspects du client léger

Le loueur de voitures Rent-a-car a opté pour les postes clients légers afin d'équiper sept mille agences en Amérique du Nord, Grande Bretagne et Allemagne. En tout, ce sont 45 000 postes légers d'origine HP qui donnent accès au système de réservation. Rent-a-car met en avant la consommation moindre du client léger avec 13,6 watts heure (2,4 watts heures en veille) à comparer aux 77,1 watt heures d'un PC (1,8 watts heure en veille). Conséquence : une économie de 3000 tonnes d'émission de carbone par an selon Rent-a-car. De quoi économiser 500 000 $ par an, évalue le cabinet Forrester Research. Alors le client léger est-il le remède aux coûts énergétiques ? Humberto Duarte, directeur adjoint du département SI de l'université de Rennes II, se pose la question. Il vient de déployer 150 terminaux légers Wyse V10L, dans le cadre d'une architecture VDI de VMware. "Avec le client léger, on déporte la consommation électrique sur le serveur", constate-t-il. Le poste de travail est rapatrié sur des lames redondantes et un stockage SAN en salle informatique. Le tout est gourmand en énergie et dégage beaucoup de chaleur, ce qui nécessite de renforcer la climatisation. L'onduleur doit être revu à la hausse. De quoi nécessiter une étude pointue afin de mesurer l'économie globale.

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